II. L’autorité et l’obéissance des religieux dans
le Code de Droit canonique.
Avant de développer le sujet, relevons d’abord
qu’il a été l’objet d’une Instruction de la Sacré Congrégation pour les
Instituts de Vie Consacrés et les Sociétés de Vie Apostolique[1].
L’Instruction s’adresse à tous les consacrés au sens large. Bien qu’elle soit
postérieure au Code, elle nous permet de saisir les divers aspects de
l’exercice du pouvoir chez les consacrés. C’est un document magistériel
indispensable et complémentaire au Code sur le sujet. Dans les lignes
suivantes, nous considérerons ces aspects tels qu’ils ont été exposés dans le
Code et dans cette Instruction.
II.1. La complexité du service de l’autorité chez les
consacrés.
La complexité du service de l’autorité est le
résultat de la diversité des modèles de gouvernement chez les consacrés. Cette
diversité a pour origine les projets charismatiques divers selon les instituts,
les compromis missionnaires, les contextes culturels, les différences entre les
communautés masculins et féminins, la collaboration avec les laïcs, le poids
que les instituts attribuent à l’autorité local ou à l’autorité centrale, la
tradition de considérer le chapitre général comme l’autorité suprême de
l’Institut[2]. Ici,
la manière propre de comprendre l’exercice du pouvoir de la part du supérieur
introduit des nuances dans la dynamique autorité-obéissance. Dans un institut,
avec les mêmes traditions et les mêmes codes normatifs, le pouvoir peut être
ressenti différemment selon la personne qui l’exerce. Laissant de côté ces
nuances, et en se limitant à ce qui est exigé par le Droit qui garantit la
justice pour tous, nous soulignerons la nature, le domaine, les principes, les
sujets, les formes et contenu et la protection de ce service d’autorité et
l’obéissance correspondante selon le Code de Droit canonique actuel.
II.2. La nature de l’autorité dans les Instituts
consacrés.
Dans le Code actuel, la nature du pouvoir dans
l’Eglise est une question très discutée par les auteurs[3]. Sans
entrer dans les détails, le Code actuel expose que le pouvoir existant dans
l’Eglise est de droit divin (c. 129) et sa finalité est avant tout d’ordre
spirituel : le salut des âmes (c. 1752). A propos, la doctrine est
unanime. Le débat se situe au niveau de déterminer sa transmission et les
sujets apte pour l’exercer. Certains pensent que le pouvoir dans l’Eglise se
transmet par le sacrement de l’Ordre et d’autres soutiennent qu’il se transmet
à la fois par l’Ordre et la mission
canonique. Au fond, la question fondamentale est de savoir si le pouvoir est un
ou double. La considération d’un pouvoir unique exclue la séparation du pouvoir
de gouvernement avec celui de sanctifier et d’enseigner (Bonnet). Par contre,
la perspective du double pouvoir dans l’Eglise essaie de distinguer le pouvoir
inhérent à l’Ordre et celui du gouvernement tout court. Avec quelques exemples
historiques, on trouve des cas où l’autorité suprême dans l’Eglise a exercé le
pouvoir de régime (de gouvernement) sans avoir encore reçu l’Ordre sacré
(Stickler). Le Code actuel penche pour l’unité du pouvoir dans l’Eglise et pour
cela il prescrit que les personnes habiles à l’exercer sont ceux-là qui ont
reçu l’Ordre sacré ; les laïcs peuvent coopérer (c. 129).
Alors, s’agissant
des consacrés, on peut se demander sur la nature du pouvoir existant dans leurs
Instituts et le service d’autorité correspondant. Quand nous parlons de pouvoir
dans l’Eglise, il s’agit du pouvoir de régime ou de juridiction au sens strict.
Et il se fait que chez les consacrés, certains pensent que le pouvoir qu’ils
détiennent n’est pas un pouvoir de juridiction au sens strict, juridique et
classique mais un pouvoir domestique semblable à celui d’un père de famille.
Sans doute, c’est un pouvoir ecclésiastique du moment où il participe au
pouvoir de l’Eglise.
Cela dit, le Code
reconnaît que certains supérieurs des Instituts religieux et des Sociétés de
vie apostoliques possèdent le pouvoir de régime au sens strict. Il s’agit des
Supérieurs Majeurs (Modérateurs ou Supérieurs généraux, provinciaux et leurs
vicaires) dans les Instituts religieux cléricaux et Sociétés de vie apostolique
de droit pontifical (c. 134, § 1). Pour cela, les Supérieurs dans ces Instituts
sont appelés des Ordinaires. Et pour occuper validement ces charges dans ces
Instituts, il est nécessaire avoir reçu l’Ordre sacré (être diacre, prêtre ou
évêque). Dans les autres Instituts (non cléricaux et diocésains), le pouvoir
proprement dit de juridiction l’exerce les supérieurs hiérarchiques de ces
instituts selon le droit commun et propre (le Pape, la Sacré Congrégation pour
les Instituts de Vie Consacrée et les Sociétés de Vie Apostolique comme organe qui
aide le Pape dans le gouvernement de l’Eglise, les Ordinaires des Instituts
exempts, l’Evêque diocésain pour ses Instituts, les Vicaires généraux pour les
sujets déterminés par le Droit).
Dans quel domaine
s’exerce ce pouvoir ?
II.3. Domaine de l’exercice du
pouvoir dans les Instituts consacrés.
Partant du fait que le pouvoir dans l’Eglise est
unique, le domaine de son exercice couvre, en principe, tous les aspects de la
vie en elle. Pour l’Eglise universelle, ce domaine correspond aux trois
fonctions (tria munera) qu’il y a
dans l’Eglise : sanctifier, enseigner et gouverner. Cependant, quand nous
parlons de service d’autorité, c’est plus le pouvoir de gouvernement qui est
mis en relief et il se divise en pouvoir législatif, administratif et judiciaire.
Dans les
Instituts de vie consacrés, en particulier les Instituts Religieux, ce service
s’exerce en tenant compte de la nature du pouvoir reconnu à chaque institut. En
plus, c’est très important garder à l’esprit la « juste autonomie »
que le droit commun (le Code) reconnait aux Instituts de vie consacrée. A
l’heure de déterminer la portée du pouvoir de gouvernement des Supérieurs dans
chaque Institut, il faut se demander jusqu’où l’Institut possède le pouvoir de
se donner des normes y quel genre de normes, quels actes d’administration ou
judiciaires (sentences, décrets administratifs) peut-il poser.
Par exemple, les
constitutions sont approuvées par le Saint Siège ou l’Évêque diocésain selon
que l’institut est de droit pontifical ou diocésain. Les autres normes que
l’institut peut se donner sur d’autres aspects de vie interne (statuts,
règlements, etc.), et qui sont approuvées par les chapitres généraux,
provinciaux ou locales selon le Droit
commun et les Constitutions, sont une expression de la « juste autonomie »
reconnue à chaque Institut.
Quant à
l’administration, nous avons la grande partie des activités absorbant
l’exercice de l’autorité dans les Instituts consacrés. Ici, l’administration
correspond au pouvoir exécutif. Cela renvoie à tout ce qui permet la marche de
vie quotidienne de l’Institut : nominations ou collations, permis ou
autorisation pour agir validement selon le droit même devant les autorités
civiles (ex. : autorisation d’un religieux de travailler en dehors de son
institut), administration des biens temporels, délégations, élections, exiger
l’observances des lois canoniques et propres de l’institut, organisation de
l’institut (ériger ou supprimer des maisons ou des parties de l’Institut),
admission des nouveaux membres, reconnaissance des associations qui partagent
le charisme de l’institut, concession des dispenses ou des privilèges, etc.
Dans ce domaine d’administration, il convient de souligner que les Supérieurs
Majeurs des Instituts Religieux Cléricaux et Sociétés de Vie Apostolique de
droit pontifical possèdent un pouvoir étendu selon le droit commun et propre.
En effet, le Code de Droit canonique, en les considérant comme des Ordinaires,
permet qu’ils jouissent du pouvoir de juridiction au sens strict. Ainsi, ils
peuvent poser des actes de gouvernement que les autres supérieurs majeurs
d’autres Instituts ne posent pas. Exemples :
-
La
dispense des lois irritantes et inhabilitantes en cas de doute et de fait (c.
14) ;
-
La privation d’un privilège à celui qui en
abuse (c. 84) ;
-
La
dispense des lois disciplinaires universelles et particulières, no pénales et
relatives au procès, au bénéfice de leurs sujets, quand le recours au Siège
Apostolique est difficile et qu’un retard causerait un grave dommage, excepté
le célibat clérical (c. 87 ; 291) ;
-
La
dispense des irrégularités et empêchements non réservés au Saint Siège pour la
réception de l’Ordre (c. 1047),
-
Autoriser
un oratoire dans un lieu (c. 1223) ;
-
Accorder
la faculté de réaliser des actes qui dépassent les limites et les modes
d’administrations ordinaires (c. 1281) ;
-
Etc.
Dans l’Eglise particulière, l’Evêque et les équiparés (c. 368) possèdent el pouvoir ordinaire, propre et immédiat pour l’exercice du ministère pastoral, excepté les cas que le Pontife Romain s’est réservé ou a réservé à une autre autorité ecclésiastique (cc. 381 ; 375 ; Christus Dominus, 8). Par conséquent, en ce qui concerne le soin des âmes, les consacrés dépendent du pouvoir des évêques (c. 678, §1).
Ce service de
l’autorité s’exerce selon les principes qu’il convient d’indiquer dans la
suite.
Comme nous
l’avons remarqué, le pouvoir ou l’autorité dans les instituts de vie consacrée
est ecclésial et d’origine divin avec une finalité spirituelle. Le service de
cette autorité se rend selon l’esprit ecclésial ou principes subjacents dans le
droit de l’Eglise. Brièvement, nous nous référons à ces principes comme garant
du service de l’autorité y compris chez les consacrés.
II.4.1 Les
principes théologiques. Sans entrer dans le débat historique de la relation
entre Théologie et Droit, personne ne peut soutenir aujourd’hui l’existence du
Droit dans l’Eglise sans considérations théologiques. Rappelons la vérité du
saint Jean Paul II sur le Code actuel en le considérant comme un effort de traduire en langage
juridique l’ecclésiologie du Concile Vatican II. En postulant que le pouvoir
dans l’Eglise est d’origine divine et pour des fins spirituels, le Code actuel
met en relief l’inséparabilité de Théologie et du Droit canonique. La Théologie
offre au Droit canonique sa raison d’être, ce qui le différencie des droits
civils. Il s’agit, d’une part, des principes pré-juridiques, c’est-à-dire, des
données permanentes, des constitutionnelles, hiérarchiques et sacramentels
inhérentes à l’Eglise et ses institutions ; et, de l’autre côté, des
principes meta-juridiques comme le salut des âmes. Déjà, à partir de
l’Evangile, le Seigneur ordonne que celui qui veut commander, exercer le pouvoir
doit servir (Mt 20, 25-28 et parallèles). L’autorité dans l’Eglise, par
conséquent, est service. Il s’agit d’un service en tant qu’obéissance à la
Parole de Dieu et pour l’instauration du Royaume. Toute autorité dans l’Eglise
et l’obéissance qu’il implique revêt un caractère théologal, christologique, à
l’instar du Christ qui est l’envoyé et en même temps obéissant à la volonté du
Père. Pour cela, le Droit canonique exige que le salut des âmes soit la loi
suprême dans l’Eglise (CIC 83, c. 1752). L’autorité comme l’obéissance pour
devenir pleinement ecclésial doit revêtir cette dimension théologique,
christologique et eschatologique.
II.4.2 Les
principes ecclésiologiques. L’Eglise sacrement de l’œuvre salvatrice du
Christ est signe de communion des sauvés. Les consacrés sont des disciples du
Christ comme l’ensemble des fidèles chrétiens par le baptême et la confirmation
mais jouissent d’une consécration particulière de par leur profession des
conseils évangéliques et dans certains cas par la réception de l’Ordre sacré.
Ils vivent une forme particulière de suivre le Christ par la voie de
s’abandonner au Christ par amour de Dieu et l’édification de l’Eglise. Dans le
cas des religieux, la communion ecclésiale des fidèles se matérialise par une
vie fraternelle en commun, dans une maison, sous l’autorité d’un supérieur. Les
consacrés séculiers vivent cette communion fraternelle par esprit sans
obligation de vivre ensemble. Le service de l’autorité et l’obéissance se
réalise selon la mission ecclésiale d’être témoins de fraternité universelle
dans un monde qui a besoin des signes d’amour entre ceux qui confessent être
fils et filles d’un même Père. Cette communion interne des frères ou sœurs d’un
institut s’ouvre pour devenir communion totale en forme de collaboration avec d’autres
institutions ecclésiales (autres instituts de vie consacrée et les Eglises
particulières), tout dans l’esprit de service à Dieu et aux hommes. La nouvelle
Evangélisation doit être une priorité des instituts comme une dimension
ecclésiale du service de l’autorité et de l’obéissance.
Aussi, faut-il
rappeler que de la nature de l’Eglise, divine et humain, invisible et visible,
spirituelle et sociale à l’image de l’incarnation du Christ (LG 8), on découvre
dans le service de l’autorité chez consacrés le témoignage de l’aspect visible,
social de ces instituts qui ne sont pas uniquement des réalités purement
charismatiques.
II.4.3 Les
principes anthropologiques. L’anthropologie chrétienne reconnaît que
l’homme a été créé à la ressemblance de Dieu. Malgré le péché, la rénovation
dans le Christ consiste dans le rétablissement de la grâce, par l’amour de Dieu
et du prochain. A partir de cela, on comprend l’unité du genre humain, la
dignité de la personne et ses droits. La justice finalement n’est autre chose que
la charité. L’homme est donc à l’origine, au centre et au bout du Droit.
Parlant de l’autorité, le droit souligne qu’il faut considérer les sujets comme
des fils de Dieu et observer le respect de la personne humaine (CIC 83, c.
618). L’exigence canonique de considérer le salut de la personne comme loi
suprême ne fait que ratifier cette réalité. De même, il est dit que l’autorité
comme l’obéissance n’existe pas pour humilier ou rabaisser la personne mais
cimenter et promouvoir sa dignité.
4.5 Les
principes pastoraux. Les principes pastoraux sont fondés sur la charité qui
doit guider la prise des décisions et cela pour promouvoir la sanctification
des fidèles dans l’Eglise, y compris les consacrés. L’équité canonique est un
principe de base de gouvernement dans l’Eglise. Pour cela, il n’est pas
surprenant que le législateur ait exigé que los Ordinaires ne s’empressent pas
à prendre des sanctions pénales mais d’épuiser d’abord tous moyens pastoraux à
leur disposition pour réparer le scandale, rétablir la justice et obtenir la
conversion du coupable (CIC 83, c. 1341). Parfois, la colère et la pression
sociale face à certaines situations empêche l’application de ce principe. Mais,
s’il n’existe pas une autre loi spécifique précisant une autre façon de
procéder, le meilleur service d’autorité ne peut se faire en dehors de la
légalité.
II.4.6 Les
principes juridiques. Selon le canon 617, « les Supérieurs -à tous les
niveaux- doivent remplir leur fonction et exercer leur pouvoir selon le droit
propre et universel ». Avec cette norme, il est exclu l’arbitraire dans le
service de l’autorité. Le droit est le cadre de l’exercice du pouvoir et de
l’obéissance correspondante. Cela implique que personne ne peut commander ni
obéir au-delà de que prescrit ou prescrirait le droit. La source de ce droit
est le Code de droit canonique, les lois promulguées par l’autorité compétente
après le Code, les lois qui n’ont pas été abolies, los lois fondamentales de
l’Institut (Règles, Constitutions, Directoires, Statuts, etc.). De ce principe,
on peut noter que l’obéissance au droit suppose l’obéissance à la volonté de
Dieu par le fait que le droit incarne à la fois le droit divin et le droit
ecclésiastique. La conformité au droit dans l’exercice du pouvoir crée et
promeut la culture et le règne du droit dans les instituts de vie consacrée.
Comme exemples de cette conformité au droit, on peut indiquer le fait
d’observer le droit à la défense, le recours en appel devant un décret
défavorable d’une autorité, le respect de la hiérarchie des normes, etc. Cette
référence commune au droit dans le service de l’autorité et l’obéissance des
consacrés est à l’origine de la dynamique participative qui dépassent les
modèles de domination, paternalisme et maternalisme[4].
II.5. Les sujets de l’autorité et de l’obéissance.
Concernant le
service de l’autorité et de l’obéissance des consacrés, nous pouvons distinguer
les sujets ad quo et les sujets ad quem.
De ceux-là d’où
part le service de l’autorité (les sujets ad quo), on les appelle les
supérieurs légitimes. Ils sont classifiés hiérarchiquement selon les niveaux de
leur autorité dans l’Eglise. En premier lieu, nous avons le Pontife Romain
auquel tout institut doit obéissance en tant qu’autorité suprême dans l’Eglise
et à qui tout consacré doit avoir comme Supérieur le plus élevé non seulement
en tant que chrétien mais aussi en vertu du vœu d’obéissance (c. 590). Pour les
instituts de droit pontifical, le Code de droit canonique signale aussi le
Siège Apostolique auquel ils doivent être soumis immédiatement et exclusivement
en tout ce qui concerne le gouvernement interne et la discipline (c. 593). Les
instituts de droit diocésain sont confiés à la sollicitude spéciale de l’Evêque
diocésain (c. 594). A sein de chaque institut, l’autorité est exercé par degrés
des Supérieurs majeurs jusqu’aux Supérieurs
mineurs ou locaux.
Considérant cette
échelle de service de l’autorité, on peut rappeler le pouvoir attribué aux
chapitres selon les traditions des instituts et la participation des
conseillers par vote (consentement ou avis) dans le gouvernement de l’institut
(c. 127). Cette participation est plus élevée quand le Code exige le
consentement des conseillers pour que le Supérieur agisse validement. Il s’agit
des cas de : l’aliénation du patrimoine de l’institut (c. 638, § 3) ;
l’érection, la translation et la suppression du noviciat (c. 647, § 1) ;
l’autorisation d’un candidat à faire le noviciat dans une autre maison de
l’institut (c. 647, § 2) ; l’admission d’un novice à la profession (c.
656, 3º) ; accorder un permis à un religieux pour résider en dehors de la
maison de l’institut (c. 665, § 1) ; la permission à un religieux de vœux
perpétuels à passer à un autre institut (c. 684, § 1) ; la concession d’un
indult d’exclaustration pour trois ans à un religieux de vœux perpétuels (c.
686, § 1) ; la demande auprès du Saint Siège de l’imposition de
l’exclaustration (c. 686, § 3) ; la concession d’un indult de sortie à un
religieux de vœux temporels (c. 688, § 2) ; la réadmission, dans
l’institut, d’un religieux qui l’aurait quitté légitimement (c. 690, §§
1-2) ; l’expulsion définitivement à un religieux (c. 699, § 1) ;
l’expulsion d’un religieux en cas de grave scandale extérieur ou d’un grave
dommage imminent pour l’institut (c. 703) ; autres cas que le droit propre
a établi (c. 627, § 2). Dans tous les cas, le conseil n’a pas de pouvoir propre
puisque son pouvoir n’existe pas en l’absence du supérieur. Son rôle est
d’aider le supérieur par consultation (avis) ou délibération (consentement).
Et de ceux-là
bénéficiaires du service de l’autorité (les sujets ad quem), il s’agit
fondamentalement de tous les consacrés. L’obéissance aux ordres des Supérieurs
est avant tout l’obéissance à la volonté de Dieu qu’ils représentent. Les
Supérieurs aussi doivent donner l’exemple dans l’accomplissement de leurs
ordres. Cela dit, on peut distinguer des niveaux en partant de l’institut
lui-même jusqu’au consacré membre d’une communauté selon que l’ordre donné
procède du Saint Siège ou d’un Supérieur local. Si l’ordre est personnel,
l’obéissance accompagne la personne partout où il va (la prière de la Liturgie
des Heures, par exemple) et si l’ordre est territorial, il affectera les
résidents et ceux qui se trouvent en ce lieu ou communauté (l’observance de
certaines pratiques ascétiques, par exemple).
II.6. Les formes et contenu du service de l’autorité
et l’obéissance.
Etant donné que
le service de l’autorité est une forme d’expression de la volonté, on préfère
en droit qu’elle soit écrite pour des raisons de preuve. Pour cela, les lois
existent lorsqu’elles sont promulguées (c. 7). Les coutumes acquièrent la force
de loi lorsqu’elles sont approuvées par le législateur (c. 23). Les décrets
généraux et les instructions obéissent aux mêmes normes concernant les lois (c.
29). Les actes administratives particuliers (décrets ou préceptes, rescrits)
sont donnés préférentiellement par écrit (cc. 51 ; 58, §2 ; 59). Les
décrets particuliers manifestent la décision du Supérieur par sa propre
initiative (nomination à un office) et les rescrits répondent à une demande
adressée à une autorité munie d’un pouvoir administratif (dispense, privilège,
grâce).
Dans la
configuration et la formalisation de cet exercice de l’autorité, le Code, -
particulièrement les canons 618 et 619- demande aux Supérieurs de se doter de
l’esprit de service, d’être docile à la volonté de Dieu, de gouverner leurs
sujets comme des enfants de Dieu, de promouvoir leur obéissance volontaire dans
le respect de la personne humaine, de les écouter volontiers et ainsi favoriser
leur coopération au bien de l’institut et de l’Eglise, restant sauve cependant
leur autorité de décider et d’ordonner ce qu’il y a à faire. Dans l’exercice de
leur fonction, et en union avec les sujets qui leurs sont confiés, ils
chercheront à édifier une communauté fraternelle dans le Christ, en laquelle
Dieu soit recherché et aimé par-dessus tout. Ils nourriront fréquemment les
membres de la Parole de Dieu et les porteront à la célébration de la liturgie
sacrée. Ils donneront l’exemple de la pratique des vertus, l’observance des
lois et traditions de l’institut. Ils subviendront convenablement aux besoins
des membres : en prenant soin des malades avec sollicitude et en les
visitant, en reprenant les inquiets, en consolant les pusillanimes, en gardant
la patience envers tous. A voir de près, le service de l’autorité dans l’Eglise
est très exigent. Il n’est pas seulement administratif, il est aussi et avant
tout ecclésial et semblable à celle d’un père ou d’une mère de famille. Et le
modèle promu par le Droit canonique est participatif.
Comme contenu de
ce service, émerge la protection du patrimoine de l’institut, c’est-à-dire tout
ce qui fait référence à la nature, la finalité, la spiritualité, le caractère
de l’institut et les autres réalités qui intègrent le patrimoine (c.
578) : le soin et l’observance des lois et traditions de l’Eglise et de
l’Institut ; le souci pour guider les frères ou sœurs vers la
sanctification par l’amour de Dieu dans l’écoute de la Parole, la célébration
des sacrements et les pratiques religieuses ; le respect de la personne
humaine et la charité envers tous. Le Supérieur est, d’une certaine manière, un
vrai pasteur.
II.7. La protection du service de l’autorité et
l’obéissance.
C’est une
évidence que les lois sont données pour être observées. S’il existe des normes
sur le service de l’autorité, leur mise en pratique sera rendu possible si
elles trouvent un écho favorable du côté des bénéficiaires. N’oublions pas que
les instituts de vie consacrée font partie de l’Eglise qui dans sa dimension
visible, social est constitutionnellement hiérarchique. Cette vérité
apparemment admis par tous ne l’est pas toujours en réalité soit par ignorance,
soit par l’imperfection de l’être humain ou sa mauvaise volonté. Pour cela, le
droit a prévu une série de lois visant à protéger le service de l’autorité et
l’obéissance. Dans les lignes suivantes, nous indiquerons quelques-unes de ces
lois en tenant compte de leur incidence fréquente dans la vie quotidienne.
II.7.1. La validité des actes
juridiques. Souvent le service de l’autorité implique la
réalisation des actes juridiques qui doivent être valides. Le c. 125 établit
comme nul un acte réalisé par violence extérieur auquel la personne que la pose
n’a pas pu résister. Si l’acte est réalisé par peur grave injustement infligée, ou par dol (tromperie), sera nul si
le droit le stipule et le juge peut l’annuler aussi par sentence si la personne
lésée le réclame. Les vices de cacher la vérité ou de présenter des raisons
fausses pour obtenir un rescrit l’invalident (c. 66).
II.7.2. Les délits contre les
autorités ecclésiastiques et contre liberté de l’Eglise. Dans
les canons 1370-1377 du Code actuel, il est indiqué une série des délits qui
s’oppose à l’exercice de l’autorité dans l’Eglise. De ces délits, nous pouvons
relever : 1) le délit de susciter publiquement le rejet ou la haine du
Saint Siège o de l’Ordinaire, suite à un acte de pouvoir ou d’un ministère
ecclésiastique ou le délit d’induire les sujets à la désobéissance (c.
1373) ; 2) le délit d’empêcher la liberté du ministère, d’une élection ou
du pouvoir ecclésiastique, ou l’usage légitime des biens sacrés ou d’autres
bien ecclésiastique, ou la coaction d’un électeur, de l’élu ou celui qui a
exercé un pouvoir ou un ministère ecclésiastique (c. 1375) ; 3) le délit
d’aliéner (c’est-à-dire administrer le patrimoine en modifiant sa nature ou en
diminuant sa valeur) les biens ecclésiastiques sans licence exigé (c. 1377).
II.7.3. Les délits de
l’usurpation des fonctions ecclésiastiques et ceux-là commis pendant l’exercice
de ces fonctions (cc. 1378-1389). En se
limitant sur l’exercice du pouvoir de régime, émerge : 1) le c. 1381 qui
sanctionne celui qui usurpe un office ecclésiastique ou le retient
illégitimement après en avoir été privé ou démis ; le c. 1386 qui réprime
la corruption ou un quelconque achat de volonté ; 3) le c. 1389 qui
réprime l’abus dans le service de l’autorité et la négligence coupable avec
dommage envers autrui. Ici la responsabilité est exigée comme vertu d’un
supérieur.
II.7.4. Le délit de
falsification. Les canons 1390-1391 répriment la
dénonciation calomnieuse, l’attentat contre la renommée du prochain, la
falsification des documents publics.
II.7.5. Le délit de
désobéissance. Comme délit spécifique des religieux, la
désobéissance persistante aux ordres légitimes des Supérieurs en matière grave
peut constituer un motif d’expulsion de l’Institut (c. 696, § 1).
Le sujet de service de
l’autorité et l’obéissance des consacrés dans le Code peut être étudié jusqu’à
l’infini en insistant sur un ou autre aspect. Notre intention n’est pas de
l’épuiser mais de s’arrêter sur les points les plus remarquables. Dans la
suite, nous allons considérer brièvement comment les instituts abordent ce
sujet dans leurs droits propres.
[1]
CIVCSVA, Instruction Le service de
l’autorité et l’obéissance, Rome, 2008.
[2]
Ibidem, n. 3.
[3] E.
Malumbres A.; Stickler M. A.; Bonnet P. A.; Ghirlanda G.; etc. Voir Pierre
Kaziri, Pour comprendre le droit de la
vie consacrée, Paris, Ed. L’Harmattan, 2012, p. 63-64.
[4]
CIVCSVA, Instruction Le service de l’autorité
et l’obéissance, n. 14.
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