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NOHELI NZIZA N'UMWAKA MUSHA MUHIRE

samedi 7 avril 2018

LES DROITS DES CONSACRES ETUDIANTS DANS LE CODE DE DROIT CANONIQUE


Le sujet que nous nous apprêtons à considérer peut paraître surprenant et cela pour plusieurs raison. Pourquoi s’arrêter sur les consacrés étudiants alors que le Code prévoit des normes spécifiques pour les consacrés (cc. 573-746) ? Les consacrés étudiants sont-ils une communauté homogène pour identifier leurs droits spécifiques en tant qu’étudiants ? Et d’autres questions… Alors si une réponse claire ne peut pas être donnée, ne faudrait-il pas désister de traiter le sujet pour être non pertinent ? 
 
En effet, si nous nous arrêtons sur ce sujet c’est que, actuellement, nous nous mouvons dans le monde de la formation. Et la question m’a été posée par trois groupes différents sans aucune préalable consultation. Le Code de Droit canonique définit-il des droits des consacrés étudiants ? Sous une autre version, on m’a demandé si les consacrés étudiants ont-ils des droits ?

A première vue, la question est simple car il suffirait leur dire que tout le Code de Droit canonique les concerne. Et là nous  nous demandons si une telle réponse proviendrait de quelqu’un qui a saisi le fond de la question. Nous pensons que la demande veut une précision sur les droits spécifiques pour les consacrés étudiants. A la limite, la question cache un malaise des consacrés étudiants en rapport avec leurs supérieurs qui ne sembleraient pas reconnaître les droits que les consacrés étudiants revendiquent. Adressée au professionnel du Droit canonique, la question chercherait à mettre les points sur les i pour départager les uns des autres et savoir qui a tort ou qui a raison. Et dans ce cas, le tribunal constitué peut violer facilement le principe fondamental du droit moderne à savoir le respect du droit à la défense (c. 1620, 7º). 

Reconnaissant, toutefois, que la question mérite une réponse proportionnée, nous  nous sommes résolus à écrire cette page, non exhaustive certainement, en espérant que des contributions constructives y seront apportées à volonté. 

D’emblée, nous précisons que les consacrés étudiants ont des visages multiples ou disons mieux des statuts contrastés. Ne parlant pas des postulants, on peut reconnaître aux novices une certaine consécration pour les admettre dans le groupe. Rigoureusement parlant, les novices ne sont pas des étudiants mais ils sont en formation. Et souvent les préoccupations de leurs aînés sont nées pendant le noviciat ou bien avant. Et le groupe qui serait concernés, les consacrés étudiants proprement dit, serait celui des consacrés des vœux temporels et spécifiquement ceux qui sont aux études ou dans les maisons de formations avant l’émission des vœux perpétuels. Les contours de ce groupe n’est non plus uniforme car il y a des consacrés qui avant les vœux perpétuels sont en mission pastoral charismatique et non dans les maisons typiques de formation. Cela compte tenu des choix multiples des Instituts pour former leurs membres. Il n’est pas rare de trouver des consacrés de vœux perpétuels retourner aux études et l’on peut se demander si la question les affecte aussi. Enfin, comme la formation est un processus continu, on pourrait se demander si ceux qui sont en session de formation permanente sont aussi affectés. 

Laissant de côté la problématique d’inclusion et d’exclusion pour identifier les sujets concernés par la question, en admettant qu’il peut toujours y avoir des cas d’exception, on peut supposer que le noyau de la question concerne les consacrés étudiants de vœux temporels. Cela à cause de la perception qu’on se fait des évaluations pour être admis à l’étape suivante. Ceux qui évaluent sembleraient utiliser l’évaluation comme une arme redoutable pour établir l’espace des droits ou pas. Ceux qui la subissent se demanderaient alors si réellement le Code de Droit canonique leur accorde des droits. Leur demande est ouverte et nous aurons l’occasion d’y revenir. 

Abordant alors le fond de la question, nous disons que le renvoi à la lecture du Code de Droit canonique dans son ensemble ne serait pas une bonne réponse. On n’a pas le temps de tout lire et on ne sait même pas par où commencer. La raison même de ne pas emprunter cette voie est que le Code ni même la partie qui traite des consacrés ne parlent pas uniquement des droits et obligations des consacrés étudiants. Pour une réponse satisfaisante, il faut faire un tri et montrer d’abord l’esprit du Code de Droit canonique et la formulation positive de ce que les consacrés étudiants peuvent s’approprier comme droits les concernant. Quatre volets constitueront donc la réponse à la question posée : 1) le but du Code de Droit canonique qui définit le cadre des droits et devoirs des fidèles du Christ (y compris les consacrés étudiants) ; 2) les droits de tout fidèle dans l’Eglise ; 3) les droit et obligations des consacrés en particuliers ; 4) et quelques indications sur les droits et devoirs implicites dans quelques normes du Code. 

1. Du but du Code de Droit canonique. En promulguant le Code en 1983, le pape Jean Paul II avait indiqué dans la Constitution apostolique Sacrae Disciplinae Leges que le Code est un effort pour traduire en langage juridique les enseignements du Concile Vatican II. Et le Synode de 1967 qui prépara la révision du Code antérieur souligna que le nouveau Code devrait avoir un caractère éminemment pastoral. Dans le Code actuel ce but se perçoit clairement dans le dernier canon (le c. 1752) qui stipule que l’application du Code ne doit rechercher que le salut des âmes. D’ici on devine que tout ce qui met en relation les supérieurs et les consacrés étudiants ne peut que se situer dans la recherche droite du salut de tous.

2. Des droits des fidèles. Avant de se consacrer au Seigneur par la voie de la pratique des conseils évangéliques, on est fidèle chrétien. Ces droits demeurent s’ils n’entrent pas en conflit avec les droits spécifiques des consacrés. Sommairement, nous indiquerons ici ceux-là qui apportent une réponse à la question posée.
- le canon 208 : ici l’Eglise reconnait à tous les fidèles l’égalité en dignité et la diversité de fonction selon la condition de chacun. La dignité de chacun est un droit inaliénable des fidèles dans l’Eglise. La condition ou statut de chacun détermine son rôle ou action dans l’édification de l’Eglise. Le consacré de vœu temporel n’a pas le statut de devenir supérieur d’une maison religieuse, par exemple.
- le canon 209 : évoque le devoir de communion dans l’Eglise.
- le canon 210 : devoir de rechercher la sainteté.
- le canon 211 : droit et devoir de mission.
- le canon 212, §1 : devoir d’obéir et de respecter la hiérarchie.
- le canon 212, §2 : droit des fidèles de faire reconnaître leurs besoins.
- le canon 212, §3 : droit d’opinion selon la compétence.
- le canon 213 : droit de secours spirituel.
- le canon 214 : droit de rendre culte selon les dispositions du rite approuvé.
- le canon 215 : droit de fonder les associations.
- le canon 216 : droit de participer à la mission de l’Eglise.
- le canon 217 : droit à l’éducation chrétienne.
- le canon 218 : droit de recherche.
- le canon 219 : droit à choisir, et de ne pas être contraint à choisir, l’état de vie. Ici l’Eglise protège la liberté des enfants de Dieu. Cette protection affecte tous les actes juridiques des personnes physiques ou juridiques (c. 125). En d’autres termes, on peut voir ici le droit à être heureux.
- le canon 220 : droit à la bonne réputation. La diffamation est donc un délit dans l’Eglise.
- le canon 221 : droit à réclamer justice au tribunal et d’être jugé conforme à la loi. Ici le droit à la défense est assumé (c. 1620, 7º).
- le canon 222 : obligation de subvenir aux besoins de l’Eglise et promouvoir la justice.
- le canon 223 : obligation de tenir compte des droits des autres. 
Ces droits reconnus aux fidèles du Christ demeurent toujours quand on entre au couvent. On peut les évoquer s’ils n’entrent pas en collision avec les droits spécifiques des consacrés, à n’importe quel étape de leur vie : en formation ou en mission. On aura remarqué, en passant, que leur formulation est générique et qu’il faudrait une interprétation détaillée pour déterminer l’extension de chaque droit et voir concrètement quand cela affecte un consacré étudiant. Cela renvoi donc à une étude spécialisée de chaque droit évoqué ci-haut, ce qui déborde le cadre de notre réflexion. Qu’en est-il des droits spécifiques des consacrés ?

3. Des droits et obligations des consacrés en particulier. Dans le droit commun des consacrés, ces droits et obligations répondent à un chapitre comprenant les canons 662 à 672. Certains de ces droits et obligations débordent la considération classique et juridique du droit à exiger ou du devoir à accomplir. Cela parce que leur contenu déborde la dimension juridique pour se situer à d’autres plans comme la spiritualité ou la foi. Par exemple, les canons 662 et 663 : la suite du Christ et la prière. Si on réduisait la suite du Christ et la prière au négoce du droit d’échange, on les viderait de leur substance. Normalement quand vous payez le loyer d’un appartement ou d’un studio, le bailleur vous doit l’appartement ou le studio loué. Ce schéma de devoir-obligation ne fonctionne pas en parlant de la suite du Christ et de la prière. Ici on se situe à une autre dimension de foi, d’amour, de relation intime entre Dieu et le consacré. Il y va de son existence, de son être (cc. 573 ; 607). Cela dit, on peut relever les droits et devoirs des consacrés reconnus par le Code :
- le canon 662 : la suite du Christ selon les constitutions de l’Institut. Cela rappelle le canon 210 sur le droit de rechercher la sainteté de la part des fidèles.
- le canon 663 : droit et obligation de la prière : Eucharistie ; lecture de la Bible ; Liturgie des Heures ; culte marial ; retraite spirituel. Cela exige de l’Institut des espaces, des moyens matériels, du calendrier, etc. Et c’est de droit pour les membres d’en avoir.
- le canon 664 : droit au sacrement de Réconciliation.
- le canon 665 : droit et obligation de résider dans une maison religieuse (ce qui implique la nomination ou droit à être destiné à vivre dans une communauté précise).
- le canon 666 : obligation de se séparer du monde par l’usage  modéré des moyens de communication.
- le canon 667 : droit et obligation d’observer la clôture.
- le canon 668 : obligation de se séparer du monde dans la gestion des biens temporels.
- le canon 669 : obligation et droit de porter l’habit religieux, cela pour les membres des Instituts religieux et selon les prescriptions de leurs constitutions.
- le canon 670 : droit à recevoir le nécessaire de l’Institut en vue d’atteindre le but de la vocation.
- le canon 671 : obligation de se référer au supérieur légitime, et de recevoir de lui une autorisation, avant d’accepter une charge ou un office en dehors de l’Institut.
- le canon 672 : obligation à la continence, d’éviter ce qui ne convient pas à l’état des consacrés, de ne pas assumer des fonctions publiques, de ne pas gérer les biens des laïcs, de rechercher et maintenir la paix entre les hommes, de ne pas militer dans les partis politiques et d’y exercer des responsabilités, de ne pas faire le service militaire sans permission.
 - le canon 1179 : le droit aux funérailles dans l'église ou oratoire de l'Institut, célébrées par le Supérieur si l'Institut est clérical. si non par le chapelain.
Cette liste des droits montre, en effet et en grande ligne, ce que l’Eglise attend des consacrés et leur image dans le monde. Est-elle complète, exhaustive ? Nous ne le pensons pas mais, sans doute, elle reflète les préoccupations de la  hiérarchie pour une forme de vie structurée et disciplinée. En guise de complément, nous évoquons, dans la suite, les droits et obligations implicites dans d’autres canons du Code actuel.

4. Des droits et devoirs implicites dans le Code pour les consacrés étudiants. Dans ce paragraphe, nous ne saurions pas parcourir tout le Code pour relever les droits implicites des consacrés étudiants ; seulement nous allons nous limiter à quelques canons qui nous paraissent plus significatifs et pragmatiques pour le cas qui nous concerne.
- les canons 617 à 619 décrivent comment un supérieur consacré gouverne ses confrères ou consœurs. En grande ligne, le supérieur gouverne ses frères ou sœurs selon le droit, dans un esprit évangélique et de fraternité et dans le respect de la dignité de chacun. Ces recommandations ou obligations du supérieur dans l’exercice de sa charge sont des droits des frères et sœurs.
- le canon 657, § 2 fixe le délai maximal de vœux temporels à neuf ans. Ici la norme accorde au consacré plusieurs droits, entre autres : le droit à être formé dans un temps déterminé (l’Institut ne peut pas le considérer comme un mineur d’âge indéfiniment) ; le droit de jouir de tous les droits existant dans l’Institut une fois la formation achêvée et admis à la profession des voeux perpetuels : pleine participation dans la vie de l’Institut avec des droits y relatif ; le droit de pleine intégration si les conditions sont remplies.
- le canon 660, § 2, en voulant favoriser le rendement maximal du temps consacré à la formation, interdit les Instituts à confier des charges aux membres en formation. C’est donc un droit des consacrés étudiants à se consacrer entièrement à la formation.
- le canon 1341: établit  le mode de sanctionner dans l’Eglise et trouve un écho dans le cas qui nous concerne ici. Les consacrés étudiants sont des personnes pouvant s’égarer comme tout être humain. Avant de prendre la sanction, le canon exhorte le supérieur de tenter pastoralement à ramener le coupable au bon chemin. Ce canon est applicable aussi dans certaines figures de séparation d’un membre d’avec son Institut (cc. 689, § 1 ; 696).

Pour conclure cette page, on peut reprendre la question et se demander encore si nous avons apporté une réponse satisfaisante. Si nous restons dans le cadre du Droit canonique et que la question posée suppose que les droits à connaître sont ceux qui nous maintiennent dans les objectifs de la vie consacrée comme c’est la recherche de la sainteté, alors on peut espérer que la réponse a été trouvée. Imaginons, par exemple, que quelqu’un du groupe pose la question de ses droits à partir d’une vie consacré que lui-même essaie de se construire (ai-je le droit de posséder les choses comme les jeunes de ma génération ; pourquoi demander une permission au formateur ; etc.), dans ce cas la réponse ne lui sert à rien. Si la question a des liens lointains ou directs avec l'évaluation des formateurs et supérieurs, la réponse est de rester serein car le droit existe pour faire grandir les personnes et non vivre dans une peur permanente. Tous nous avons besoin d'être libre et heureux. La réponse que nous avons donnée supposait que nous partions tous du postulat du droit de la vie consacrée tel que l’Eglise nous le présente. En dehors de ce cadre, il se produit tout simplement un dialogue des sourds. Nous pensons sincèrement que ce n’était pas le cas. Parfois les formateurs, nous devons l’admettre, nous ignorons ce que l’Eglise a prévu dans l’exercice des droits des fidèles et des consacrés en particuliers. Ceux qui nous voient agir, parfois correctement, parfois maladroitement, s’étonnent et s’interrogent. L’humilité nous exigerait de reprendre le chemin du pèlerin et visiter le Code, voir les droits et obligations des uns et des autres. Et c’est ce que nous avons essayé de faire comme orientation. Merci pour enrichir le débat.

Père Pierre KAZIRI, O. de M.
Docteur en Droit canonique.




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