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vendredi 25 décembre 2015

LE SERVICE DE L’AUTORITE ET L’OBEISSANCE DES CONSACRES DANS LE CODE DE DROIT CANONIQUE (III)



III. Le service de l’autorité et l’obéissance dans les droits propres des instituts.

Aborder cet aspect revient à se pencher sur la réception du Code, principalement les normes communes sur les consacrés dans les droits propres. En empruntant un langage théologique, on parlerait de l’inculturation du droit de la vie consacré. Une grande partie de cette inculturation provient de l’histoire de chaque institut et des normes qui ont marqué leur destiné. 

De nombreux familles des consacrés appartiennent aux spiritualités des grands fondateurs des styles de vie consacrée. Ces fondateurs ont légué aux générations postérieures des Règles qui sont encore d’actualité. C’est le cas des Règles de saint Benoît, de saint Basile, de saint Augustin. Brièvement, nous indiquerons la position de saint Augustin sur le thème qui nous occupe ici. On peut étudier les autres Règles en mettant en relief les ressemblances, les divergences et les nouveautés. Nous avons choisi saint Augustin pour être l’auteur que nous connaissons le mieux puisque notre institut a adopté la Règle de saint Augustin.

Une fois évoqué la doctrine de saint Augustin, nous relèverons les points essentiels qui peuvent nous orienter pour comprendre et apprécier comment un institut essaie d’intégrer ce service d’autorité et l’obéissance dans sa législation. 

III.1. La Règle de saint Augustin et le service de l’autorité et l’obéissance.

Au chap. VII de la Règle, avec un titre évocateur de « Critère de gouvernement et obéissance », nous avons une sorte de traité du sujet que nous sommes en train de considérer (nn. 44-47). L’intuition de saint Augustin ici devient manifeste. On est frappé par la pertinence de ses prescriptions qui sont encore d’actualité malgré le passage des siècles. Nombreux des principes énoncés dans le Code s’observent aussi dans la Règle de saint Augustin.
En premier lieu, saint Augustin précise la nature de l’autorité dans la vie consacrée. Pour lui, le pouvoir ou l’autorité dans la vie consacrée est de  nature « domestique » avec un caché spirituel (n. 44)[1]. Ce pouvoir est hiérarchique en vue de la bonne marche de la communauté (n. 45). L’autorité s’exerce comme service dans la charité en se référant à Dieu. L’exemple dans le service de l’autorité, l’amour des sujets et la recherche de l’ordre constitue sa forme et contenu (n. 46). L’autorité comme l’obéissance dans un institut est impensable sans référence à Dieu, alfa et omega de ce qui existe dans l’Eglise (n. 47).

Dans la Règle, il émerge aussi un élément qui pourrait passer inaperçu si ce n’était pas son influence, sa tradition ou son implication dans le service quotidien de l’autorité. Il s’agit de l’élément évoqué au n. 43 sous forme de conseil dans ce sens qu’il n’est pas exigé au Supérieur de demander pardon à son sujet même s’il se rend compte de l’avoir offensé. La raison en est qu’il ne doit pas se rabaisser et par-là affaiblir son autorité. Seulement au Seigneur, on demande pardon. Quelqu’un pourrait se consoler en évoquant une tradition immémoriale. Nous pensons qu’il s’agit d’un anachronisme s’imaginer aujourd’hui saint Augustin recommander la  même attitude. La société a changé ; et aujourd’hui de nombreuses valeurs sont mieux perçues qu’hier. Ne pas demander pardon aux victimes non seulement est un obstacle vers la réconciliation mais c’est perpétuer l’impunité avec ce que cela implique de frustration des victimes o le renforcement du sentiment de culpabilité. La lecture de la Règle aujourd’hui, en rapport avec la participation au service de l’autorité, a besoin d’une clarification pour une interprétation actualisée et conforme à l’enseignement de l’Eglise.  

III.2 Le service de l’autorité et l’obéissance dans les autres lois des instituts.

Etant donnée la multitude des Instituts, nous estimons qu’il est pratiquement impossible de vérifier comment les différents instituts ou congrégations ont intégré ce service d’autorité dans leurs droits propres. Une étude de cette question dans un Institut ou quelques Instituts est raisonnablement possible. Mais comme cela n’intéresse pas le grand public sauf pour des cas particuliers, nous nous limitons ici de soulever des points qui peuvent servir de référence pour reconnaitre ou se faire une idée de la façon dont un Institut aborde ce sujet. Dans tous les Instituts, le sujet est incontournable mais la façon de l’aborder diffère selon la nature, le but, la spiritualité, le charisme, bref selon le patrimoine de chaque Institut (c. 578). Voici les points qui pourraient nous orienter à l’heure de considérer ce sujet dans un Institut.

III.2.1 Les normes propres de l’Institut.

Tous les Instituts n’ont pas le même corps des lois. Et l’importance qui leur est accordée varie d’un Institut à l’autre. Les Instituts récents souvent mettent en avant les écrits des fondateurs (Règle de vie) et leurs recommandations ont un caractère normatif même si ce caractère est plus moral que juridique. C’est une question de formation. Les anciens, eux n’ont pas souvent ce souci. Le poids de l’histoire et des traditions facilite l’accès à la compréhension de l’exercice du pouvoir dans ces Instituts. Ainsi, en plus des écrits des fondateurs, il y a : les Règles que l’autorité ecclésiastique a imposées aux Instituts pour une meilleure discipline dans ces instituts et dans l’Eglise ; les Constitutions qui reflètent la nature de l’Institut, sa spiritualité et le mode de gouvernement ; les Directoires pour régler des questions pratiques générales ; les Statuts pour réguler des questions pratiques spécifiques comme le mode des élections ; les décisions capitulaires générales ou provinciales. Ces corps des normes constituent la source pour une radiographie de l’exercice du pouvoir dans un institut. La variété de ces corps de lois peut être un signal de complexité du sujet qui nous occupent mais pas nécessairement surtout quand on se retrouve devant des simples reprises des textes hiérarchiques (Code de droit canonique, Règles, Constitutions) dans les normes inférieures (Directoires, Statuts, Décisions capitulaires). Pour cela, au-delà des sources matérielles, pour comprendre un peu le service de l’autorité et de l’obéissance dans un Institut, on doit s’intéresser aussi aux aspects que nous allons évoquer dans la suite.

III.2.2 L’harmonie des principes théologiques et administratifs.

Nous l’avons vu antérieurement (II.4), le pouvoir dans l’Eglise est exercé en tenant compte des principes théologiques, ecclésiaux, anthropologiques, pastorales, etc. Dans les normes des Instituts, ces aspects ne doivent pas manquer. L’équilibre, l’harmonie que les normes propres d’un institut présentent entre le théologique et l’administratif est une garantie et pourquoi pas un préalable pour un service d’autorité et d’obéissance efficace. Le Code de Droit canonique (cc. 587 ; 617-619) l’exige et les droits propres des instituts ne peuvent l’ignorer. Cet harmonie répond à la simple question du pourquoi on ordonne ceci ou cela ou du pourquoi on obéit. Si la réponse n’a aucune référence au Christ et à la mission de l’Eglise, le danger d’être en face du pouvoir pour le pouvoir est grand. Dans les normes propres des instituts, il est donc nécessaire que ce fondement théologique soit manifeste pour se faire une idée du mode de service d’autorité et d’obéissance en place.

III.2.3 L’alternance au pouvoir.

Le Code de Droit canonique (c. 624), sans toutefois interdire l’exercice du pouvoir à vie, penche pour l’alternance au pouvoir. En cela, on remarque une influence notable du mode de gouvernement des sociétés démocratiques modernes. La monarchie et ses formes d’exercice de pouvoir trouvent peu d’écho dans les âmes des sujets post-modernes. L’alternance par des élections périodiques est une réalité de plus en plus assumée dans la vie des consacrées. Parfois le modèle des partis politiques tentent les consacrés avec des blocs conservateurs-modernistes, loyalistes-opposants, gauche-droite, etc. L’agitation que l’on peut observer à la veille des élections des supérieurs provinciaux ou généraux est symptomatique de cette influence. Dans les normes propres d’un institut, on peut vérifier quel mode de gouvernement a été privilégié : plus participatif ou non, alternance ou non.

III.2.4 Les mécanismes de justice interne.

Nous savons qu’un consacré est un fidèle qui jouit de la protection du Code de Droit canonique comme tout fidèle de l’Eglise. Si ses droits venaient à être ignorés, il peut toujours porter plainte aux autorités ecclésiastiques compétentes y compris le Pontife Romain. En effet, un Institut de vie consacrée poursuit la perfection, la sanctification des membres. Penser aux instances de justice dans un institut, apparaît comme un préjugé qu’un jour l’injustice peut surgir. Malheureusement l’histoire prouve la question de justice ne se fonde pas sur des prétendus préjugés mais sur des réalités. Le canon 596, § 2, en reconnaissant à certains instituts l’exercice du pouvoir ecclésiastique de gouvernement au for externe, permet aux instituts d’instituer des instances juridiques pour restaurer la justice envers les membres comme envers l’institut. Si la justice peut être rendue de façon interne par des instances judiciaires (for ou tribunal judiciaire) avec la garantie d’une procédure juridique, canonique, il est normal que ces instances soient bien régulées dans les normes propres des instituts : à quel niveau (provincial ou général), comment faire des recours, mandat des juges, matière sur lequel statuer, etc. Une bonne organisation de la justice interne est un signe d’un service de l’autorité et de l’obéissance qui se veut efficace. La négligence de cet aspect peut favoriser l’arbitraire, les frustrations, l’impunité.

Nous pourrions continuer à énumérer d’autres aspects de référence (gestion des biens matériels, collaboration avec les autorités ecclésiastiques, etc.) mais notre intention ne pas de tout dire. L’importance est de voir par où la réflexion s’oriente. Cela dit, nous allons, avant de conclure évoquer quelques défis actuels à l’exercice de l’autorité et de l’obéissance.

IV. Défis à l’autorité et l’obéissance des consacrés.

IV.1 La démocratie. La vie consacrée est une institution multiséculaire. Le patrimoine des instituts que nous avons évoqué dans cette réflexion a trait avec le passé de chaque institut. Alors, quoique la démocratie remonte des grecs, son actualité est un fait récent. Les anciens instituts n’ont pas vécu tous dans la culture démocratique. Les sociétés qui ont vu naître les instituts ou celles dans lesquels ils sont implantés n’étaient pas ou ne sont pas toutes démocratiques. Cependant la démocratie s’impose comme mode de cohabitation pacifique et de gouvernement universel. N’oublions pas que nous sommes dans l’ère de la mondialisation. Et le couple de mondialisation-démocratie avec son corollaire des droits de l’homme tend à la sacralisation. Le catalyseur de tout c’est la négociation. Tout se négocie : aux parlements, aux sommets internationaux (sur le climat, G7, altermondialistes, etc.), en famille entre couples ou entre parents et enfants, en classe (le profès ne corrige plus l’enfant car celui-ci à le numéro téléphonique de la police). Pour cela dans l’Eglise, et dans pas mal des instituts, de façon visionnaire, on a opté pour le modèle de la participation dans le service de l’autorité et de l’obéissance. Mais, il ne faut pas céder facilement au triomphalisme. Des résidus des anciens régimes peuvent s’observer ici et là. Des réflexes des modèles dépassés (monarchisme, paternalisme ou maternalisme) subsistent dans des instituts et affaiblissent ou rendent difficile le succès du service de l’autorité et de l’obéissance. Aujourd’hui et demain, l’intégration des valeurs démocratique dans le service de l’autorité et l’obéissance est indispensable car les sujets bénéficiaires n’entendent pas un autre langage qui ne soit pas celle de la communication démocratique. 

IV.2 La postmodernité. La vie consacrée est un état de vie bien défini au sein de l’Eglise ; elle a ses valeurs et éléments constitutifs (amour à Dieu, conseils évangéliques, vie fraternelle, prière, etc.). Sans ces valeurs et ces éléments, la vie consacrée se défigure. Maintenant, la postmodernité prétend, dans la vie des hommes, substituer les modèles traditionnelles qu’elle considère révolus. Elle suggère que la société n’a pas besoins des vérités ou récits métaphysiques, durs et propose la pensée faible, légère. Ce qui compte, c’est la cohabitation des styles. On ne croit en rien ; la vie se vit telle qu’elle se présente[2]. Face à la postmodernité, certains penseurs classiques s’en moquent qu’il s’agit de la comédie. Mais, attention ! Puisqu’elle ne propose rien qui exige l’effort, la postmodernité gagne du terrain. Et il est incertain que demain il y ait des religieux immunisés contre la postmodernité. Quel visage aura-t-il le service de l’autorité et l’obéissance dans cette ère postmoderne ? Qui écoutera qui et pour dire quoi ? Pour le moment, personne n’a fait les pronostics. Nous pensons simplement que la proposition de l’échelle des valeurs (comme l’a proposé en son temps Max Scheller) peut être une alternative.

IV.3 L’objection de conscience. Elle est considérée comme un refus d’obéir à l’ordre d’un supérieur pour des raisons religieuses ou philosophiques. Ce fut le cas des citoyens américains qui ne voulaient pas participer à la guerre de Vietnam ; aujourd’hui on l’évoque couramment dans les cas d’avortement ou d’euthanasie. En relation avec le vœu d’obéissance, on se demande si un religieux peut recourir à l’objection de conscience pour se soustraire à l’obéissance du supérieur. Etant donné que les ordres des supérieurs sont fondés sur l’esprit évangéliques et le droit (commun et propre), on s’imagine mal qu’un ordre de cette nature peut être nuisible pour l’ignorer. Le problème ici met en relief la tension entre le bien commun de l’institution qui justifie l’ordre du supérieur et la liberté du sujet obéissant. Consciente qu’il peut exister des cas où l’objection de conscience peut être évoquée, la Congrégation pour les instituts de Vie Consacrée et les Sociétés de Vie Apostolique recommande le discernement, fait devant Dieu, et si possible, requérir le conseil des personnes expérimentés avant de se résoudre pour l’objection de conscience. Peut-il alors avoir lieu l’objection de conscience dans la vie consacrée ? Excepté le cas d’un ordre manifestement contraire à la loi divine et nuisible, l’objection de conscience ne devrait pas avoir lieu.



IV.4 La place du droit. Le service de l’autorité, nous l’avons vu, ne peut se faire en marge du droit. Celui-ci constitue un des piliers pour un fonctionnement efficient du service de l’autorité. Toutefois, parfois on a cru qu’on n’avait pas besoin du droit dans la vie consacrée. Le courant antijuridisme qu’à partir de Sohm soulignait les aspects charismatiques au détriment du droit s’est fait sentir aussi dans la vie consacrée. Même si aujourd’hui on découvre l’importance et la nécessité du droit, la question de savoir jusqu’où on assume son contenu et ses dimensions demeure. Il ne suffit pas de dire que l’époque du romanticisme est passée ; il subsiste toujours des gens romantiques. De même, il n’est pas rare qu’il ait des consacrés allergiques au droit et quand bien même ils l’adoptent par la force des choses, ils le vide de sa substance ou l’interprète à leur guise. Dans ce cas, on a le droit mais un droit dilué. S’agissant alors de la dynamique autorité-obéissance, comment le droit peut contribuer à susciter des énergies qui convergent vers plus de participation des consacrés ? Si le droit n’est pas apprécié à sa juste valeur, avec quels critères pourrait-on définir les relations entre service de l’autorité et l’obéissance ? L’affirmation du droit n’expose-t-elle pas au danger de limiter les initiatives et tendances créatives ? Le juste équilibre de la place du droit dans la dynamique autorité-obéissance nous paraît comme un défi qui exige une attention particulière et une actualisation continue en fonction des circonstances et des acteurs de cette dynamique. Ainsi le droit apparaît non comme une institution figée, statique mais dynamique, vital et ouvert à la rénovation et à l’actualisation. Et pour une bonne réforme, il convient savoir les termes du débat à l’instar d’un académicien qui voudrait reformer la grammaire de sa langue. Pour cela, il faut s’intéresser au monde du droit, apprendre son langage et mécanisme de fonctionnement. Cet apprentissage peut se faire de plusieurs manières : 1) formation propre par des études, conseils des experts, correction des erreurs commises ; 2) attention aux contestations (recours en appel) pour des actes de services d’autorité ; 3) l’humilité face à la réprobation des supérieurs hiérarchique pour l’injustice émanant des services de l’autorité. De ces modalités d’apprentissage, la première est la seule recommandable car les autres résultent du mauvais service rendu.

V. Conclusion. L’évaluation

Notre réflexion nous a permis d’appréhender comment l’Eglise perçoit le service de l’autorité et l’obéissance dans les instituts de vie consacrée et cela du point de vue de Droit canonique. Aussi avons-nous évoqué les thèmes indicateurs de la réception du Code dans les droits propres des instituts sur ce sujet. Fondamentalement, nous pouvons affirmer que le service de l’autorité et l’obéissance est imprégnée du caractère ecclésial puisque il prend naissance dans l’Eglise et pour une finalité ecclésiale, spirituelle. Le modèle de ce service est sans doute participatif. Pour atteindre sa mission, il doit être accompli selon le droit.

Cela dit, l’expérience montre qu’il ne s’agit pas seulement de se fixer des objectifs et d’adopter des moyens pour les atteindre mais aussi de prévoir des mécanismes de control et d’évaluation des résultats. Souvent, des études sont menées pour expliquer le fonctionnement d’une structure et des recommandations sont émises pour leur perfectionnement. Mais au-delà de tout cela, il faut se rendre sur le terrain pour vérifier comment fonctionnent réellement les choses. C’est le rôle de l’évaluation qui doit être progressive pour corriger les erreurs, renforcer les structures ou anticiper les événements. Le service d’autorité et l’obéissance qui ne compterait pas sur l’évaluation court le risque de tourner en rond. Les instruments (théorie et droit de l’exercice de l’autorité et l’obéissance) sont clairs et efficients mais leur maniement peut ne pas atteindre les résultats escomptés. L’évaluation permet de vérifier si on s’oriente dans la bonne direction, si le rythme adopté est le mieux indiqué ou si tout fonctionne harmonieusement. Ce mécanisme est plus que nécessaire et il n’est pas évident qu’il existe dans tous les instituts de vie consacrée. Oui, nous savons qu’il y a des visites canoniques, des rapports périodiques pour les chapitres ou à remettre aux autorités ecclésiastiques compétentes. Toutefois, l’expérience montre que l’attention dans ces visites ou rapports est portée ailleurs : protocoles, élections, publicités, rencontre fraternelle, exposer plus les succès et éviter les sujets qui fâchent, etc. Le service de l’autorité et l’obéissance est une institution dynamique et l’évaluation est comme l’oxygène dans un corps humain. 

Au terme de notre réflexion, nous aimerions remercier le lecteur de son attention, intérêt, patience, contribution et critiques édifiantes. D’un thème aussi complexe, personne ne peut prétendre de tout dire. Merci aussi pour la correction fraternelle des erreurs involontaires. Que la Mère des consacrés intercède pour nous tous !

Père Pierre KAZIRI, O. de M.
Email : pkderecho@gmail.com


[1] Saint Augustin considère que le supérieur local doit être considéré comme un père de famille.
[2] Les défenseurs de la postmodernité sont très nombreux. Pour une première approximation, on peut se reporter aux œuvres de G. Lipovetsky, J.-F. Lyotard ou G. Vattimo.

LE SERVICE DE L’AUTORITE ET L’OBEISSANCE DES CONSACRES DANS LE CODE DE DROIT CANONIQUE (II)



II. L’autorité et l’obéissance des religieux dans le Code de Droit canonique. 

Avant de développer le sujet, relevons d’abord qu’il a été l’objet d’une Instruction de la Sacré Congrégation pour les Instituts de Vie Consacrés et les Sociétés de Vie Apostolique[1]. L’Instruction s’adresse à tous les consacrés au sens large. Bien qu’elle soit postérieure au Code, elle nous permet de saisir les divers aspects de l’exercice du pouvoir chez les consacrés. C’est un document magistériel indispensable et complémentaire au Code sur le sujet. Dans les lignes suivantes, nous considérerons ces aspects tels qu’ils ont été exposés dans le Code et dans cette Instruction.

II.1. La complexité du service de l’autorité chez les consacrés.

La complexité du service de l’autorité est le résultat de la diversité des modèles de gouvernement chez les consacrés. Cette diversité a pour origine les projets charismatiques divers selon les instituts, les compromis missionnaires, les contextes culturels, les différences entre les communautés masculins et féminins, la collaboration avec les laïcs, le poids que les instituts attribuent à l’autorité local ou à l’autorité centrale, la tradition de considérer le chapitre général comme l’autorité suprême de l’Institut[2]. Ici, la manière propre de comprendre l’exercice du pouvoir de la part du supérieur introduit des nuances dans la dynamique autorité-obéissance. Dans un institut, avec les mêmes traditions et les mêmes codes normatifs, le pouvoir peut être ressenti différemment selon la personne qui l’exerce. Laissant de côté ces nuances, et en se limitant à ce qui est exigé par le Droit qui garantit la justice pour tous, nous soulignerons la nature, le domaine, les principes, les sujets, les formes et contenu et la protection de ce service d’autorité et l’obéissance correspondante selon le Code de Droit canonique actuel.

II.2. La nature de l’autorité dans les Instituts consacrés.

Dans le Code actuel, la nature du pouvoir dans l’Eglise est une question très discutée par les auteurs[3]. Sans entrer dans les détails, le Code actuel expose que le pouvoir existant dans l’Eglise est de droit divin (c. 129) et sa finalité est avant tout d’ordre spirituel : le salut des âmes (c. 1752). A propos, la doctrine est unanime. Le débat se situe au niveau de déterminer sa transmission et les sujets apte pour l’exercer. Certains pensent que le pouvoir dans l’Eglise se transmet par le sacrement de l’Ordre et d’autres soutiennent qu’il se transmet à la fois  par l’Ordre et la mission canonique. Au fond, la question fondamentale est de savoir si le pouvoir est un ou double. La considération d’un pouvoir unique exclue la séparation du pouvoir de gouvernement avec celui de sanctifier et d’enseigner (Bonnet). Par contre, la perspective du double pouvoir dans l’Eglise essaie de distinguer le pouvoir inhérent à l’Ordre et celui du gouvernement tout court. Avec quelques exemples historiques, on trouve des cas où l’autorité suprême dans l’Eglise a exercé le pouvoir de régime (de gouvernement) sans avoir encore reçu l’Ordre sacré (Stickler). Le Code actuel penche pour l’unité du pouvoir dans l’Eglise et pour cela il prescrit que les personnes habiles à l’exercer sont ceux-là qui ont reçu l’Ordre sacré ; les laïcs peuvent coopérer (c. 129).

Alors, s’agissant des consacrés, on peut se demander sur la nature du pouvoir existant dans leurs Instituts et le service d’autorité correspondant. Quand nous parlons de pouvoir dans l’Eglise, il s’agit du pouvoir de régime ou de juridiction au sens strict. Et il se fait que chez les consacrés, certains pensent que le pouvoir qu’ils détiennent n’est pas un pouvoir de juridiction au sens strict, juridique et classique mais un pouvoir domestique semblable à celui d’un père de famille. Sans doute, c’est un pouvoir ecclésiastique du moment où il participe au pouvoir de l’Eglise.

Cela dit, le Code reconnaît que certains supérieurs des Instituts religieux et des Sociétés de vie apostoliques possèdent le pouvoir de régime au sens strict. Il s’agit des Supérieurs Majeurs (Modérateurs ou Supérieurs généraux, provinciaux et leurs vicaires) dans les Instituts religieux cléricaux et Sociétés de vie apostolique de droit pontifical (c. 134, § 1). Pour cela, les Supérieurs dans ces Instituts sont appelés des Ordinaires. Et pour occuper validement ces charges dans ces Instituts, il est nécessaire avoir reçu l’Ordre sacré (être diacre, prêtre ou évêque). Dans les autres Instituts (non cléricaux et diocésains), le pouvoir proprement dit de juridiction l’exerce les supérieurs hiérarchiques de ces instituts selon le droit commun et propre (le Pape, la Sacré Congrégation pour les Instituts de Vie Consacrée et les Sociétés de Vie Apostolique comme organe qui aide le Pape dans le gouvernement de l’Eglise, les Ordinaires des Instituts exempts, l’Evêque diocésain pour ses Instituts, les Vicaires généraux pour les sujets déterminés par le Droit).

Dans quel domaine s’exerce ce pouvoir ?

II.3. Domaine de l’exercice du pouvoir dans les Instituts consacrés.

Partant du fait que le pouvoir dans l’Eglise est unique, le domaine de son exercice couvre, en principe, tous les aspects de la vie en elle. Pour l’Eglise universelle, ce domaine correspond aux trois fonctions (tria munera) qu’il y a dans l’Eglise : sanctifier, enseigner et gouverner. Cependant, quand nous parlons de service d’autorité, c’est plus le pouvoir de gouvernement qui est mis en relief et il se divise en pouvoir législatif, administratif et  judiciaire.

Dans les Instituts de vie consacrés, en particulier les Instituts Religieux, ce service s’exerce en tenant compte de la nature du pouvoir reconnu à chaque institut. En plus, c’est très important garder à l’esprit la « juste autonomie » que le droit commun (le Code) reconnait aux Instituts de vie consacrée. A l’heure de déterminer la portée du pouvoir de gouvernement des Supérieurs dans chaque Institut, il faut se demander jusqu’où l’Institut possède le pouvoir de se donner des normes y quel genre de normes, quels actes d’administration ou judiciaires (sentences, décrets administratifs) peut-il poser.
Par exemple, les constitutions sont approuvées par le Saint Siège ou l’Évêque diocésain selon que l’institut est de droit pontifical ou diocésain. Les autres normes que l’institut peut se donner sur d’autres aspects de vie interne (statuts, règlements, etc.), et qui sont approuvées par les chapitres généraux, provinciaux  ou locales selon le Droit commun et les Constitutions, sont une expression de la « juste autonomie » reconnue à chaque Institut. 

Quant à l’administration, nous avons la grande partie des activités absorbant l’exercice de l’autorité dans les Instituts consacrés. Ici, l’administration correspond au pouvoir exécutif. Cela renvoie à tout ce qui permet la marche de vie quotidienne de l’Institut : nominations ou collations, permis ou autorisation pour agir validement selon le droit même devant les autorités civiles (ex. : autorisation d’un religieux de travailler en dehors de son institut), administration des biens temporels, délégations, élections, exiger l’observances des lois canoniques et propres de l’institut, organisation de l’institut (ériger ou supprimer des maisons ou des parties de l’Institut), admission des nouveaux membres, reconnaissance des associations qui partagent le charisme de l’institut, concession des dispenses ou des privilèges, etc. Dans ce domaine d’administration, il convient de souligner que les Supérieurs Majeurs des Instituts Religieux Cléricaux et Sociétés de Vie Apostolique de droit pontifical possèdent un pouvoir étendu selon le droit commun et propre. En effet, le Code de Droit canonique, en les considérant comme des Ordinaires, permet qu’ils jouissent du pouvoir de juridiction au sens strict. Ainsi, ils peuvent poser des actes de gouvernement que les autres supérieurs majeurs d’autres Instituts ne posent pas. Exemples :
-         La dispense des lois irritantes et inhabilitantes en cas de doute et de fait (c. 14) ;
-          La privation d’un privilège à celui qui en abuse (c. 84) ;
-         La dispense des lois disciplinaires universelles et particulières, no pénales et relatives au procès, au bénéfice de leurs sujets, quand le recours au Siège Apostolique est difficile et qu’un retard causerait un grave dommage, excepté le célibat clérical (c. 87 ; 291) ;
-         La dispense des irrégularités et empêchements non réservés au Saint Siège pour la réception de l’Ordre (c. 1047),
-         Autoriser un oratoire dans un lieu (c. 1223) ;
-         Accorder la faculté de réaliser des actes qui dépassent les limites et les modes d’administrations ordinaires (c. 1281) ;
-         Etc.

S’agissant du pouvoir de gouvernement judiciaire, seuls les Supérieurs majeurs qui sont en même temps des Ordinaires peuvent instruire un procès judiciaire dans les Instituts de vie consacrée ou dans les Sociétés de vie apostolique. Les autres Supérieurs (ceux des instituts no cléricaux et les cléricaux de droit diocésains) ont des facultés par le droit commun d’instruire des cas, de façon administrative, correspondant au droit de séparation des membres d’avec leur institut, spécialement dans les cas de renvoi de l’institut (cc. 694-703). Les cas réservés au Saint Siège ne seront pas objet de leur instruction : abus des mineurs (c. 695). Pour d’autres délits, le Supérieur compétent pour instruire un procès judiciaire est leur Ordinaire comme nous l’avons indiqué antérieurement. 

Dans l’Eglise particulière, l’Evêque et les équiparés (c. 368) possèdent el pouvoir ordinaire, propre et immédiat pour l’exercice du ministère pastoral, excepté les cas que le Pontife Romain s’est réservé ou a réservé à une autre autorité ecclésiastique (cc. 381 ; 375 ; Christus Dominus, 8). Par conséquent, en ce qui concerne le soin des âmes, les consacrés dépendent du pouvoir des évêques (c. 678, §1).
Ce service de l’autorité s’exerce selon les principes qu’il convient d’indiquer dans la suite.

II.4. Les principes pour le service de l’autorité dans les Instituts de vie consacrés.
 
Comme nous l’avons remarqué, le pouvoir ou l’autorité dans les instituts de vie consacrée est ecclésial et d’origine divin avec une finalité spirituelle. Le service de cette autorité se rend selon l’esprit ecclésial ou principes subjacents dans le droit de l’Eglise. Brièvement, nous nous référons à ces principes comme garant du service de l’autorité y compris chez les consacrés.

II.4.1 Les principes théologiques. Sans entrer dans le débat historique de la relation entre Théologie et Droit, personne ne peut soutenir aujourd’hui l’existence du Droit dans l’Eglise sans considérations théologiques. Rappelons la vérité du saint Jean Paul II sur le Code actuel en le considérant  comme un effort de traduire en langage juridique l’ecclésiologie du Concile Vatican II. En postulant que le pouvoir dans l’Eglise est d’origine divine et pour des fins spirituels, le Code actuel met en relief l’inséparabilité de Théologie et du Droit canonique. La Théologie offre au Droit canonique sa raison d’être, ce qui le différencie des droits civils. Il s’agit, d’une part, des principes pré-juridiques, c’est-à-dire, des données permanentes, des constitutionnelles, hiérarchiques et sacramentels inhérentes à l’Eglise et ses institutions ; et, de l’autre côté, des principes meta-juridiques comme le salut des âmes. Déjà, à partir de l’Evangile, le Seigneur ordonne que celui qui veut commander, exercer le pouvoir doit servir (Mt 20, 25-28 et parallèles). L’autorité dans l’Eglise, par conséquent, est service. Il s’agit d’un service en tant qu’obéissance à la Parole de Dieu et pour l’instauration du Royaume. Toute autorité dans l’Eglise et l’obéissance qu’il implique revêt un caractère théologal, christologique, à l’instar du Christ qui est l’envoyé et en même temps obéissant à la volonté du Père. Pour cela, le Droit canonique exige que le salut des âmes soit la loi suprême dans l’Eglise (CIC 83, c. 1752). L’autorité comme l’obéissance pour devenir pleinement ecclésial doit revêtir cette dimension théologique, christologique et eschatologique.

II.4.2 Les principes ecclésiologiques. L’Eglise sacrement de l’œuvre salvatrice du Christ est signe de communion des sauvés. Les consacrés sont des disciples du Christ comme l’ensemble des fidèles chrétiens par le baptême et la confirmation mais jouissent d’une consécration particulière de par leur profession des conseils évangéliques et dans certains cas par la réception de l’Ordre sacré. Ils vivent une forme particulière de suivre le Christ par la voie de s’abandonner au Christ par amour de Dieu et l’édification de l’Eglise. Dans le cas des religieux, la communion ecclésiale des fidèles se matérialise par une vie fraternelle en commun, dans une maison, sous l’autorité d’un supérieur. Les consacrés séculiers vivent cette communion fraternelle par esprit sans obligation de vivre ensemble. Le service de l’autorité et l’obéissance se réalise selon la mission ecclésiale d’être témoins de fraternité universelle dans un monde qui a besoin des signes d’amour entre ceux qui confessent être fils et filles d’un même Père. Cette communion interne des frères ou sœurs d’un institut s’ouvre pour devenir communion totale en forme de collaboration avec d’autres institutions ecclésiales (autres instituts de vie consacrée et les Eglises particulières), tout dans l’esprit de service à Dieu et aux hommes. La nouvelle Evangélisation doit être une priorité des instituts comme une dimension ecclésiale du service de l’autorité et de l’obéissance.
Aussi, faut-il rappeler que de la nature de l’Eglise, divine et humain, invisible et visible, spirituelle et sociale à l’image de l’incarnation du Christ (LG 8), on découvre dans le service de l’autorité chez consacrés le témoignage de l’aspect visible, social de ces instituts qui ne sont pas uniquement des réalités purement charismatiques.

II.4.3 Les principes anthropologiques. L’anthropologie chrétienne reconnaît que l’homme a été créé à la ressemblance de Dieu. Malgré le péché, la rénovation dans le Christ consiste dans le rétablissement de la grâce, par l’amour de Dieu et du prochain. A partir de cela, on comprend l’unité du genre humain, la dignité de la personne et ses droits. La justice finalement n’est autre chose que la charité. L’homme est donc à l’origine, au centre et au bout du Droit. Parlant de l’autorité, le droit souligne qu’il faut considérer les sujets comme des fils de Dieu et observer le respect de la personne humaine (CIC 83, c. 618). L’exigence canonique de considérer le salut de la personne comme loi suprême ne fait que ratifier cette réalité. De même, il est dit que l’autorité comme l’obéissance n’existe pas pour humilier ou rabaisser la personne mais cimenter et promouvoir sa dignité. 

4.5 Les principes pastoraux. Les principes pastoraux sont fondés sur la charité qui doit guider la prise des décisions et cela pour promouvoir la sanctification des fidèles dans l’Eglise, y compris les consacrés. L’équité canonique est un principe de base de gouvernement dans l’Eglise. Pour cela, il n’est pas surprenant que le législateur ait exigé que los Ordinaires ne s’empressent pas à prendre des sanctions pénales mais d’épuiser d’abord tous moyens pastoraux à leur disposition pour réparer le scandale, rétablir la justice et obtenir la conversion du coupable (CIC 83, c. 1341). Parfois, la colère et la pression sociale face à certaines situations empêche l’application de ce principe. Mais, s’il n’existe pas une autre loi spécifique précisant une autre façon de procéder, le meilleur service d’autorité ne peut se faire en dehors de la légalité.

II.4.6 Les principes juridiques. Selon le canon 617, « les Supérieurs -à tous les niveaux- doivent remplir leur fonction et exercer leur pouvoir selon le droit propre et universel ». Avec cette norme, il est exclu l’arbitraire dans le service de l’autorité. Le droit est le cadre de l’exercice du pouvoir et de l’obéissance correspondante. Cela implique que personne ne peut commander ni obéir au-delà de que prescrit ou prescrirait le droit. La source de ce droit est le Code de droit canonique, les lois promulguées par l’autorité compétente après le Code, les lois qui n’ont pas été abolies, los lois fondamentales de l’Institut (Règles, Constitutions, Directoires, Statuts, etc.). De ce principe, on peut noter que l’obéissance au droit suppose l’obéissance à la volonté de Dieu par le fait que le droit incarne à la fois le droit divin et le droit ecclésiastique. La conformité au droit dans l’exercice du pouvoir crée et promeut la culture et le règne du droit dans les instituts de vie consacrée. Comme exemples de cette conformité au droit, on peut indiquer le fait d’observer le droit à la défense, le recours en appel devant un décret défavorable d’une autorité, le respect de la hiérarchie des normes, etc. Cette référence commune au droit dans le service de l’autorité et l’obéissance des consacrés est à l’origine de la dynamique participative qui dépassent les modèles de domination, paternalisme et maternalisme[4].

II.5. Les sujets de l’autorité et de l’obéissance.

Concernant le service de l’autorité et de l’obéissance des consacrés, nous pouvons distinguer les sujets ad quo et les sujets ad quem.

De ceux-là d’où part le service de l’autorité (les sujets ad quo), on les appelle les supérieurs légitimes. Ils sont classifiés hiérarchiquement selon les niveaux de leur autorité dans l’Eglise. En premier lieu, nous avons le Pontife Romain auquel tout institut doit obéissance en tant qu’autorité suprême dans l’Eglise et à qui tout consacré doit avoir comme Supérieur le plus élevé non seulement en tant que chrétien mais aussi en vertu du vœu d’obéissance (c. 590). Pour les instituts de droit pontifical, le Code de droit canonique signale aussi le Siège Apostolique auquel ils doivent être soumis immédiatement et exclusivement en tout ce qui concerne le gouvernement interne et la discipline (c. 593). Les instituts de droit diocésain sont confiés à la sollicitude spéciale de l’Evêque diocésain (c. 594). A sein de chaque institut, l’autorité est exercé par degrés des Supérieurs majeurs jusqu’aux Supérieurs  mineurs ou locaux.

Considérant cette échelle de service de l’autorité, on peut rappeler le pouvoir attribué aux chapitres selon les traditions des instituts et la participation des conseillers par vote (consentement ou avis) dans le gouvernement de l’institut (c. 127). Cette participation est plus élevée quand le Code exige le consentement des conseillers pour que le Supérieur agisse validement. Il s’agit des cas de : l’aliénation du patrimoine de l’institut (c. 638, § 3) ; l’érection, la translation et la suppression du noviciat (c. 647, § 1) ; l’autorisation d’un candidat à faire le noviciat dans une autre maison de l’institut (c. 647, § 2) ; l’admission d’un novice à la profession (c. 656, 3º) ; accorder un permis à un religieux pour résider en dehors de la maison de l’institut (c. 665, § 1) ; la permission à un religieux de vœux perpétuels à passer à un autre institut (c. 684, § 1) ; la concession d’un indult d’exclaustration pour trois ans à un religieux de vœux perpétuels (c. 686, § 1) ; la demande auprès du Saint Siège de l’imposition de l’exclaustration (c. 686, § 3) ; la concession d’un indult de sortie à un religieux de vœux temporels (c. 688, § 2) ; la réadmission, dans l’institut, d’un religieux qui l’aurait quitté légitimement (c. 690, §§ 1-2) ; l’expulsion définitivement à un religieux (c. 699, § 1) ; l’expulsion d’un religieux en cas de grave scandale extérieur ou d’un grave dommage imminent pour l’institut (c. 703) ; autres cas que le droit propre a établi (c. 627, § 2). Dans tous les cas, le conseil n’a pas de pouvoir propre puisque son pouvoir n’existe pas en l’absence du supérieur. Son rôle est d’aider le supérieur par consultation (avis) ou délibération (consentement).

Et de ceux-là bénéficiaires du service de l’autorité (les sujets ad quem), il s’agit fondamentalement de tous les consacrés. L’obéissance aux ordres des Supérieurs est avant tout l’obéissance à la volonté de Dieu qu’ils représentent. Les Supérieurs aussi doivent donner l’exemple dans l’accomplissement de leurs ordres. Cela dit, on peut distinguer des niveaux en partant de l’institut lui-même jusqu’au consacré membre d’une communauté selon que l’ordre donné procède du Saint Siège ou d’un Supérieur local. Si l’ordre est personnel, l’obéissance accompagne la personne partout où il va (la prière de la Liturgie des Heures, par exemple) et si l’ordre est territorial, il affectera les résidents et ceux qui se trouvent en ce lieu ou communauté (l’observance de certaines pratiques ascétiques, par exemple).

II.6. Les formes et contenu du service de l’autorité et l’obéissance.

Etant donné que le service de l’autorité est une forme d’expression de la volonté, on préfère en droit qu’elle soit écrite pour des raisons de preuve. Pour cela, les lois existent lorsqu’elles sont promulguées (c. 7). Les coutumes acquièrent la force de loi lorsqu’elles sont approuvées par le législateur (c. 23). Les décrets généraux et les instructions obéissent aux mêmes normes concernant les lois (c. 29). Les actes administratives particuliers (décrets ou préceptes, rescrits) sont donnés préférentiellement par écrit (cc. 51 ; 58, §2 ; 59). Les décrets particuliers manifestent la décision du Supérieur par sa propre initiative (nomination à un office) et les rescrits répondent à une demande adressée à une autorité munie d’un pouvoir administratif (dispense, privilège, grâce).

Dans la configuration et la formalisation de cet exercice de l’autorité, le Code, - particulièrement les canons 618 et 619- demande aux Supérieurs de se doter de l’esprit de service, d’être docile à la volonté de Dieu, de gouverner leurs sujets comme des enfants de Dieu, de promouvoir leur obéissance volontaire dans le respect de la personne humaine, de les écouter volontiers et ainsi favoriser leur coopération au bien de l’institut et de l’Eglise, restant sauve cependant leur autorité de décider et d’ordonner ce qu’il y a à faire. Dans l’exercice de leur fonction, et en union avec les sujets qui leurs sont confiés, ils chercheront à édifier une communauté fraternelle dans le Christ, en laquelle Dieu soit recherché et aimé par-dessus tout. Ils nourriront fréquemment les membres de la Parole de Dieu et les porteront à la célébration de la liturgie sacrée. Ils donneront l’exemple de la pratique des vertus, l’observance des lois et traditions de l’institut. Ils subviendront convenablement aux besoins des membres : en prenant soin des malades avec sollicitude et en les visitant, en reprenant les inquiets, en consolant les pusillanimes, en gardant la patience envers tous. A voir de près, le service de l’autorité dans l’Eglise est très exigent. Il n’est pas seulement administratif, il est aussi et avant tout ecclésial et semblable à celle d’un père ou d’une mère de famille. Et le modèle promu par le Droit canonique est participatif.

Comme contenu de ce service, émerge la protection du patrimoine de l’institut, c’est-à-dire tout ce qui fait référence à la nature, la finalité, la spiritualité, le caractère de l’institut et les autres réalités qui intègrent le patrimoine (c. 578) : le soin et l’observance des lois et traditions de l’Eglise et de l’Institut ; le souci pour guider les frères ou sœurs vers la sanctification par l’amour de Dieu dans l’écoute de la Parole, la célébration des sacrements et les pratiques religieuses ; le respect de la personne humaine et la charité envers tous. Le Supérieur est, d’une certaine manière, un vrai pasteur.

II.7. La protection du service de l’autorité et l’obéissance.

C’est une évidence que les lois sont données pour être observées. S’il existe des normes sur le service de l’autorité, leur mise en pratique sera rendu possible si elles trouvent un écho favorable du côté des bénéficiaires. N’oublions pas que les instituts de vie consacrée font partie de l’Eglise qui dans sa dimension visible, social est constitutionnellement hiérarchique. Cette vérité apparemment admis par tous ne l’est pas toujours en réalité soit par ignorance, soit par l’imperfection de l’être humain ou sa mauvaise volonté. Pour cela, le droit a prévu une série de lois visant à protéger le service de l’autorité et l’obéissance. Dans les lignes suivantes, nous indiquerons quelques-unes de ces lois en tenant compte de leur incidence fréquente dans la vie quotidienne.

II.7.1. La validité des actes juridiques. Souvent le service de l’autorité implique la réalisation des actes juridiques qui doivent être valides. Le c. 125 établit comme nul un acte réalisé par violence extérieur auquel la personne que la pose n’a pas pu résister. Si l’acte est réalisé par peur grave injustement  infligée, ou par dol (tromperie), sera nul si le droit le stipule et le juge peut l’annuler aussi par sentence si la personne lésée le réclame. Les vices de cacher la vérité ou de présenter des raisons fausses pour obtenir un rescrit l’invalident (c. 66).

II.7.2. Les délits contre les autorités ecclésiastiques et contre liberté de l’Eglise. Dans les canons 1370-1377 du Code actuel, il est indiqué une série des délits qui s’oppose à l’exercice de l’autorité dans l’Eglise. De ces délits, nous pouvons relever : 1) le délit de susciter publiquement le rejet ou la haine du Saint Siège o de l’Ordinaire, suite à un acte de pouvoir ou d’un ministère ecclésiastique ou le délit d’induire les sujets à la désobéissance (c. 1373) ; 2) le délit d’empêcher la liberté du ministère, d’une élection ou du pouvoir ecclésiastique, ou l’usage légitime des biens sacrés ou d’autres bien ecclésiastique, ou la coaction d’un électeur, de l’élu ou celui qui a exercé un pouvoir ou un ministère ecclésiastique (c. 1375) ; 3) le délit d’aliéner (c’est-à-dire administrer le patrimoine en modifiant sa nature ou en diminuant sa valeur) les biens ecclésiastiques sans licence exigé (c. 1377).

II.7.3. Les délits de l’usurpation des fonctions ecclésiastiques et ceux-là commis pendant l’exercice de ces fonctions (cc. 1378-1389). En se limitant sur l’exercice du pouvoir de régime, émerge : 1) le c. 1381 qui sanctionne celui qui usurpe un office ecclésiastique ou le retient illégitimement après en avoir été privé ou démis ; le c. 1386 qui réprime la corruption ou un quelconque achat de volonté ; 3) le c. 1389 qui réprime l’abus dans le service de l’autorité et la négligence coupable avec dommage envers autrui. Ici la responsabilité est exigée comme vertu d’un supérieur.

II.7.4. Le délit de falsification. Les canons 1390-1391 répriment la dénonciation calomnieuse, l’attentat contre la renommée du prochain, la falsification des documents publics.

II.7.5. Le délit de désobéissance. Comme délit spécifique des religieux, la désobéissance persistante aux ordres légitimes des Supérieurs en matière grave peut constituer un motif d’expulsion de l’Institut (c. 696, § 1). 

Le sujet de service de l’autorité et l’obéissance des consacrés dans le Code peut être étudié jusqu’à l’infini en insistant sur un ou autre aspect. Notre intention n’est pas de l’épuiser mais de s’arrêter sur les points les plus remarquables. Dans la suite, nous allons considérer brièvement comment les instituts abordent ce sujet dans leurs droits propres.


[1] CIVCSVA, Instruction Le service de l’autorité et l’obéissance, Rome, 2008.
[2] Ibidem, n. 3.
[3] E. Malumbres A.; Stickler M. A.; Bonnet P. A.; Ghirlanda G.; etc. Voir Pierre Kaziri, Pour comprendre le droit de la vie consacrée, Paris, Ed. L’Harmattan, 2012, p. 63-64.
[4] CIVCSVA, Instruction Le service de l’autorité et l’obéissance, n. 14.