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vendredi 21 octobre 2011

LA PREUVE DE LA REPUTATION DE SAINTETE DANS LES CAUSES DE CANONISATION

I. Introduction.

Habituellement, ce sont les Serviteurs de Dieu des autres cieux ou continents qui ont été inscrits dans le catalogue des saints mais de plus en plus notre continent africain connaît ses propres représentants. Personne n’ignore la figure des martyrs de l’Uganda, de sainte Joséphine Bakhita du Soudan, des bienheureux Victoire Rasoamanarivo de Madagascar, Clémentine Anuarite et Isidore Bakanja de la RDC, Cyprien Tansi du Nigeria, etc. Des causes en cours existent dans de nombreux pays du continent : au Cameroun avec Baba Simon et Monseigneur Vieter, au Burundi, avec les séminaristes de Buta, etc. Pour canoniser quelqu’un, il faut des preuves : la réputation de sainteté, l’absence d’erreurs de foi et de mœurs, la pratique héroïque des vertus, le martyre, le culte ou l’absence de culte, les signes et les miracles. L’ensemble de la procédure s’appelle « cause de canonisation ».
Ici, nous allons considérer uniquement la réputation de sainteté ou de martyr et des miracles.

II. Qu’est-ce que c’est la réputation de sainteté ?

La réputation de sainteté c’est la voix du peuple qui réclamait que tel personnage soit canonisé. Vous vous rappelez de la réclamation (« santo subito ») du peuple de Dieu lors des obsèques du Bienheureux le Pape Jean Paul II. Dans les premiers siècles, c’était la forme ordinaire de canonisation. Aujourd’hui la loi exige encore à l’Évêque diocésain qu’avant d’entreprendre une cause, il doit vérifier si le Serviteur de Dieu jouit auprès d’une part significative du peuple de Dieu d’une large et authentique réputation de sainteté ou de martyre associée à une large et authentique réputation des signes (Sanctorum Mater, art. 7, § 1) [1].
Qu’est-ce que c’est la réputation de sainteté ou de martyre ou de signe ? D’après le dictionnaire Robert, la réputation est le fait d’être connu honorablement ou non. Pour la Enciclopedia Cattolica (1950), la réputation correspond à la bonne idée ou image que les gens se font d’une personne dans un contexte déterminé pour une qualité morale, physique, intellectuelle, etc…
Du point de vue canonique, selon Benoît XIV (1675-1758), considéré unanimement comme le Maître dans les causes de canonisation, la réputation de sainteté est l’opinion commune des hommes et des femmes intègres envers un serviteur de Dieu déjà mort, au sujet de la pureté et de l’intégrité de vie et des vertus héroïques ainsi qu’au sujet des miracles réalisés par Dieu grâce à son intercession. Dans le même sens, M. D’Alfonso (1976) a défini la réputation comme une considération collective de la sainteté, martyre ou miracles et œuvres attribuées à un Serviteur de Dieu par des gens et qui fait naître un culte ou une tradition de culte. Quant à Zanetti (2002), il considère la réputation comme la voix du peuple qui reconnaît dans la vie des Serviteurs de Dieu le reflet de la vie du Christ et du mystère pascal comme des exemples à imiter et des frères à invoquer.
Étant donné que la réputation de sainteté est une exigence normative, qu’elles sont les considérations ou aspects canoniques de sa preuve ?

III. La preuve de la réputation de sainteté.

Selon les normes actuelles, reprenant la tradition séculaire dans les causes de canonisation, « la réputation de sainteté doit être spontanée et non pas procurée artificiellement. Elle doit être stable, avoir un caractère de continuité, être répandue parmi des personnes dignes de foi et elle doit se rencontrer dans une part significative du peuple de Dieu » (Sanctorum Mater, art. 7, § 2 ; Codex Iuris Canonici de 1917 c. 2050). Au vue de cette prescription, la preuve de la réputation de sainteté doit examiner quatre aspects : 1) la spontanéité ; 2) l’origine ; 3) la stabilité, la continuité et l’extension ; 4) et enfin l’actualité.
1. De la spontanéité. La norme demande que la réputation ne soit pas procurée artificiellement. La réputation de sainteté ne doit pas être le fruit d’une propagande de certains groupes comme s’il s’agissait d’une promotion sociale. La pratique des vertus, le martyre, les signes ou faveurs opérées grâce à l’intercession du Serviteur de Dieu sont des dons qui ont la capacité d’éveiller parmi le peuple de Dieu l’opinion favorable de sainteté à son égard. Pour prouver cette spontanéité, on considère les témoins et les documents. Pour éviter l’effet d’exaltation ou induction de la réputation, la norme exige d’attendre cinq avant la demande d’engager une cause de canonisation. Ce temps peut être dispensé surtout quand le candidat avait une réputation de sainteté très répandue même avant sa mort. C’est le cas des Bienheureux Mère Thérèse de Calcutta et du Pape Jean Paul II.
2. L’origine de la réputation. La preuve de l’origine de la réputation a trait à la loi qui exige que la réputation doit émerger des personnes sérieuses, honnêtes et dignes de foi (Normae Servandae de 1983, nn. 17; 31, c ; Sanctorum Mater, art. 99, 1.). En effet, la réputation ne peut pas provenir de l’ignorance, des rumeurs, des personnes scrupuleuses, malades, suspectes ou trop intéressées. Pour cela, il faut que les témoins précisent les sources de leurs connaissances : direct ou indirect, oculaire ou de rumeur. Pour plus de crédibilité des témoignages, la loi exige à tous les témoins de prêter serment de dire et d’avoir dit la vérité. Le tribunal doit écouter aussi, sous peine de nullité des actes, les témoins contraires à la cause. Il peut en citer d’autres ex-officio.
3. La stabilité, la continuité et l’extension de la réputation. La stabilité, la continuité et l’extension de la réputation sont en étroite relation. En effet, la continuité de la réputation montre que celle-ci n’a pas été interrompue et par conséquent stable. Certaines circonstances peuvent interrompre la réputation momentanément. Dans ce cas, la réputation reste latente et le postulateur doit montrer les motifs de cette interruption. C’est le cas aussi de demander l’ouverture de la cause de canonisation au delà de trente ans. L’extension ou augmentation de la réputation montre que la continuité est croissante. A cette expansion, il peut y avoir des difficultés liées à la zone linguistique, à un lieu isolé (île, institut ordonné intégralement à la contemplation, zone rurale et difficile d’accès, vie érémitique, etc.), au charisme du Serviteur de Dieu déjà connu et peu attractif, l’émergence de plusieurs figures à la fois faisant qu’une grande figure fasse oublier les autres, la limite de la saine propagande, etc. Ces difficultés peuvent être surmontées en considérant l’importance ecclésiale de la cause ; aussi les autorités ecclésiales peuvent estimer que la sainteté peut exister avec une réputation modérée.
4. L’actualité de la réputation. La norme exige que dans toutes les causes, anciennes et récentes, la réputation de sainteté soit actuelle. Il n’y a pas de cause pour un Serviteur de Dieu dont la réputation de sainteté se serait éteinte. Cela fait que la réputation de sainteté est prouvé par des témoins oculaires qui témoignent de ce qu’ils ont vu et non entendu. Elle peut être prouvé aussi par des documents récents (œuvres lus du ou sur le Serviteur de Dieu). La réputation actuelle est un indice de la vitalité du charisme du Serviteur de Dieu.
Et quel est la place de la réputation de sainteté dans une cause de canonisation ?

V. La place de la réputation dans une cause de canonisation.

Partant des données que nous disposons, nous pouvons affirmer que la réputation de sainteté accompagne toutes les étapes du procès de canonisation, du début à la fin. En effet, une cause de canonisation est structurée en deux phases : la phase d’enquête diocésaine et la phase romaine d’étude et d’évaluation des preuves.
La phase d’enquête diocésaine commence avec la demande d’entreprendre une cause de canonisation adressée à l’évêque diocésain par un postulateur. Celui-ci représente une personne physique ou morale qui promeut la cause et qu’on appelle acteur (association catholique, paroisse, diocèse, congrégation religieuse, etc.). L’évêque compétent pour mener l’enquête est celui du lieu où est mort le candidat à la béatification ou canonisation. La demande ne peut pas être introduite avant cinq ans. Si le délai passe de 30 ans, il faut justifier les causes du retard. Le postulateur dans sa demande indique le nom du candidat, celui de l’acteur et son adresse, sa nomination, la biographie du candidat, ses écrits et la liste des témoins pour la preuve de la réputation de sainteté et des signes, des vertus héroïques ou du martyre. Dans les causes anciennes, les témoignages portent uniquement sur la réputation actuelle. Avant d’accepter la demande, l’Evêque diocésain vérifie si le candidat jouit d’une réputation de sainteté, s’informe auprès des évêques de la Conférence épiscopale ou de la région sur l’opportunité d’entreprendre la cause et demande aux fidèles des diocèses voisins de lui fournir des informations utiles. Il demande le Nihil Obstat à la Congrégation pour se rassurer qu’il n’y a aucun obstacle à la cause et informe aussi de l’importance ecclésiale de la cause. S’il juge que la cause possède un fondement solide (fumus iuris), il nomme des censeurs théologiens, au moins deux, pour examiner les écrits publiés du candidat (livres, conférences, débats, homélies, textes de fondation, etc.). Il est recommandé d’examiner aussi ses écrits inédits : correspondances, méditations, etc. Si dans ces écrits, il n’y a rien contre la foi et les bonnes mœurs, l’Evêque diocésain nomme une commission des experts en histoire et archives pour rassembler tous les documents du candidat (publiés et inédits) et sur le candidat. Il constitue aussi un tribunal avec un Délégué épiscopal, un Promoteur de justice, un Notaire et des Auxiliaires. La première session du tribunal qui suppose l’ouverture de la cause, se fait en présence de l’Evêque ou son Délégué pour la circonstance et comporte la prestation de serment par les officiels. Désormais, le candidat s’appelle Serviteur de Dieu. Il ne jouit d’aucun culte. Le tribunal constitué doit examiner les témoins sur la réputation de sainteté, signes et miracles, la pratique héroïque des vertus ou martyre à partir des questions élaborés par le Promoteur de justice après avoir analysé la documentation sur le candidat. Si l’on craint la perte de certains témoignages (ne pereant probationis), le tribunal peut interroger les témoins avant que les experts ne terminent le travail de rassembler tous les documents. Les actes du tribunal et l’ensemble des documents et des déclarations constituent un dossier dénommé « Archétype » et qui sera gardé dans l’archive secrète du diocèse. Sa copie authentique est envoyée sellé à la Congrégation des Causes des Saints à Rome lors de la dernière session de clôture. Avant cette cession, s’il s’agit des causes récentes, le tribunal visite l’habitation du Serviteur de Dieu pour se rassurer de l’absence de culte selon les normes d’Urbain VIII (1634).
A Rome, les causes sont enregistrées selon l’ordre d’arrivée. Dans la pratique de la Congrégation les pays qui n’ont pas assez de saints reconnus jouissent d’une attention préférentielle. Arrivé à Rome, la cause entre dans sa deuxième phase. L’acteur doit nommer un nouveau Postulateur auprès de la Congrégation et qui doit résider à Rome. Le premier Postulateur peut être reconduit mais avec une nouvelle nomination et une résidence à Rome. Dans la Congrégation, on examine d’abord le respect des normes dans la conduite de l’enquête diocésaine : compétence du tribunal, nomination régulière, validité des actes. Si l’enquête a été bien menée, le dossier est confié à un Rapporteur pour élaborer la Positio : un instrument scientifique bien structuré et concis qui reflète le résultat ou preuves de l’enquête diocésaine. Le Rapporteur se fait aider par un adjoint choisi par le Postulateur. Dans les causes anciennes, la Positio est présentée à la commission des experts en histoire et archives pour confirmer qu’elle répond bien aux critères de la méthode historico-critique. S’il y a des questions particulières à soumettre aux experts, on peut toujours faire appel à eux. Au contraire, la Positio passe à la commission des théologiens pour donner leur avis sur le dossier. De la commission des théologiens, la cause passe au congrès des Cardinaux de la Congrégation. Si le vote de deux tiers est positif, on demande au Pape d’accorder le décret de martyre ou de pratique héroïque des vertus. Une fois le décret accordé, le Serviteur de Dieu est appelé Vénérable. Avec la reconnaissance d’un miracle opéré par le Serviteur de Dieu, le Pape peut décider la Béatification. Pour les martyrs, le miracle peut être dispensé. Après la Béatification, un miracle est exige pour être canonisé. La canonisation est une décision personnelle du Pontife Romain et a une portée théologique dogmatique.
Dans ce processus, on remarque que la réputation de sainteté est toujours présente. Elle conduit inexorablement à la clarification des autres preuves et la maitrise de la dynamique d’une cause de canonisation. En effet, l’acceptation de la cause en dépend. La connaissance de ses fondements, l’élaboration d’une liste des témoins, la confection de la biographie, les preuves des vertus ou du martyre, la saine propagande pour l’expansion du charisme, l’élaboration de la Positio, etc., sont des éléments qui concourent à la connaissance des preuves disponibles et de la dynamique de la cause. Pendant l’enquête diocésaine, quatre moments clés caractérisent la preuve de la réputation de sainteté : 1) les preuves fournies par le postulateur ; 2) l’estimation de la réputation par l’Evêque diocésain ; 3) l’interrogatoire des témoins et le rassemblement des preuves documentaires ; 4) et la révision des actes avant l’envoi de copie authentique de l’Archétype. Dans la Congrégation, on peut relever deux moments fondamentaux : 1) l’élaboration de la Positio ; 2) et le jugement de valeur par la commission des théologiens et le vote du congrès des Cardinaux. Le décret reconnaissant la pratique héroïque des vertus ou le témoignage de martyr couronne la preuve de la réputation de sainteté.

VI. Conclusion

En considérant les normes actuelles des causes de canonisation, la réputation de sainteté occupe une place de choix. Sans la réputation de sainteté, pas de canonisation. Elle est prouvée essentiellement par les témoins oculaires. Cela est un signe que la vie des hommes de Dieu n’est jamais indifférente aux yeux des fidèles. Témoigner c’est aussi un devoir d’un chrétien pour la vérité. Il est possible qu’autour de nous vivent des saints ou a vécu des martyrs. Leur mémoire ne doit pas être oubliée. La volonté de conserver la mémoire des héros des vertus chrétiennes constitue le moteur des causes de canonisation.


Par Pierre KAZIRI, O. de M.

Docteur en Droit canonique


[1] CONGRÉGATION DES CAUSES DES SAINTS, Instruction « Sanctorum Mater », dans Acta Apostolicae Sedis 99.6, 2007, 465-509.

mercredi 11 mai 2011

LA PRATIQUE DES EXORCISMES SELON LES NORMES ECCLESIASTIQUES

Par exorcisme, on entend la prière publique de l’Eglise et avec autorité, au nom de Jésus-Christ, pour qu'une personne ou un objet soit protégé contre l'emprise du Malin et soustrait à son empire.

Dans l’Eglise, on distingue les exorcismes mineurs et le grand exorcisme ou exorcisme solennel. Les exorcismes mineurs sont des prières de l’Eglise sur les catéchumènes afin que, grâce au mystère du Christ de la libération du péché, ils soient libérés des séquelles du péché et de l’influence du démon et qu’ils soient fortifiés dans leur cheminement spirituel et leur cœur se prépare à la réception des dons de Dieu. Le grand exorcisme ou exorcisme solennel est une célébration liturgique, une prière de l’Eglise faite au nom du Christ, qui vise à expulser le démon ou libérer de l’influence démoniaque et cela par autorité spirituelle que le Christ a confié à son Eglise. Le grand exorcisme est un sacramental dont les effets spirituels dépendent de l’intercession de l’Eglise. Le Code de Droit Canon parle uniquement de l’exorcisme solennel ou grand exorcisme (c. 1172).
A côté des exorcismes, on peut noter les prières que l’ensemble des chrétiens peut faire en vue de demander la protection contre le mal ou la libération de l’influence du mal. Par exemple, le Notre Père et la demande d’être délivré du mal.

Selon le c. 1172, « personne ne peut légitimement prononcer des exorcismes sur les possédés, à moins d’avoir obtenu de l’Ordinaire du lieu une permission particulière et expresse. Cette permission ne sera accordée par l’Ordinaire du lieu qu’à un prêtre pieux, éclairé, prudent et de vie intègre ».

Par cette norme, il est indiqué que seul le prêtre avec licence de l’Ordinaire du lieu peut prononcer l’exorcisme solennel. L’autorisation n’est jamais tacite mais expresse. Les Ordinaires du lieu peuvent sans licence prononcer l’exorcisme solennel. Un prêtre sans autorisation, un diacre ou un laïc ne peut pas célébrer un exorcisme solennel. Il peut prier pour des cas de tentation ou dire les exorcismes mineurs liés à la célébration du sacrement de Baptême. Le prêtre exorciste doit avoir les qualités de piété, connaissance, prudence et vie intègre.

Selon le Rituel d’exorcisme, publié en 1998, seule une personne véritablement obsédée ou possédée par le Démon et, si c’est possible, consentante peut être sujet de grand exorcisme. Le Rituel se réfère à cette possession avec le terme « obsessio ». En effet, l’action du diable se réalise à des niveaux différents. On peut parler de gradation dans la possession. La tentation peut affecter des propositions ou le fait d’induire une personne à commettre des péchés. On peut aussi parler de tourment ou persécution, d’infestation du diable. Cette persécution peut se faire de l’extérieur. Si le Démon agit sur l’homme de l’extérieur et par son action violente empêche ou rend difficile de façon permanente les actions de celui-ci, on parle de personne obsédé ou sous l’influence maligne. Il se produit une sorte de paralysie ou de dysfonctionnements corporels. Et quand le Malin s’est introduit dans le corps de la personne, on parle de véritable possession. Le terme latin « obsessio » se réfère à la fois à l’obsession comme à la possession.

Pour procéder à l’exorcisme, un discernement préalable de la part du prêtre exorciste est nécessaire pour savoir si la personne est réellement obsédée ou possédée. Le discernement exigé vise à acquérir de la part de l’exorciste la certitude morale d’être en présence du diable et non d’une maladie physique, psychique ou autre chose. Devant des cas de maladies physiques ou psychiques, l’exorcisme n’est pas pratiqué ; plutôt, il faut recourir à la médecine ou à la thérapie psychologique. En cas de doute, l’exorciste peut demander l’avis des experts. En l’absence de certitude morale sur l’obsession ou possession, on procède à des prières pour obtenir la paix de Dieu. Dans ce cas, même un prêtre, qui n’est pas exorciste, un diacre ou un laïc peut procéder à ces prières. Au cours de ces prières, il est interdit d’employer la formule d’exorcisme de Léon XIII contre Satan et les anges déchus, d’employer le texte intégral de cet exorcisme, d’interpeller directement les démons ou de chercher à connaître leur nom.

Quelques signes, selon l’expérience de l’Eglise, peuvent servir pour reconnaître la présence du Démon : parler ou comprendre une langue inconnue, connaître une réalité lointaine et occulte, manifester une force supérieur par rapport à la condition et à l’âge de la personne. Ces signes doivent être complétés par des considérations d’ordre moral et spirituel comme l’aversion violente pour Dieu, le très Saint Nom de Jésus, la bienheureuse Vierge Marie et les Saints, l’Eglise, la Parole de Dieu, les choses, les rites, surtout sacramentels et les images sacrées.

L’exorcisme solennel est destiné aux fidèles chrétiens et aux catéchumènes, sans distinction d’âge ni de genre. Le Code antérieur spécifiait que les non catholiques et les excommuniés pouvaient en bénéficier (CIC 17 c. 1152). Aujourd’hui, bien que le Code ne le précise pas, la norme n’a pas changé. En effet, le Rituel d’exorcisme admet que « dans les cas qui affectent un non-catholique et dans d’autres cas plus difficiles, que l’affaire soit présentée à l’évêque ».

Pour la pratique du grand exorcisme, le lieu adéquat est l’oratoire ou un autre endroit convenable, loin de la foule, où il est visible l’image du Crucifix. Dans ce lieu, il doit y avoir aussi une image de la Vierge Marie. Etant l’exorcisme une prière pour manifester la foi de l’Eglise, il ne doit pas être assimilé à un acte magique ou superstitieux. Par conséquent, on ne peut pas en faire un spectacle. Ainsi l’exorcisme ne sera pas exposé aux moyens de communication sociale ni l’exorciste peut en faire une nouvelle ; il est réalisé dans la discrétion. Le déroulement de l’exorcisme se fait selon les normes du rituel.

Pierre KAZIRI, O. de M.
Docteur en Droit Canon.

samedi 9 avril 2011

La béatification de Jean Paul II. Les moments clés du processus de cette béatification.

Prévue pour le 1er mai prochain, la béatification de Jean Paul est l’avant dernière étape du processus de la canonisation de ce Serviteur de Dieu.

Jean Paul II (Karol Jósef Wojtyla) est né en Pologne le 18 mai 1920. Il fut baptisé le 20 juin de la même année. Le 1 novembre 1946, il fut ordonné prêtre et le 28 septembre 1958, il fut consacré Evêque auxiliaire de l’Archidiocèse de Cracovie. Le 30 décembre 1963, il est nommé Archevêque de Cracovie. Le 20 mai 1967, il fut élevé à la dignité de Cardinal. Le 16 octobre 1978, il est élu Romain Pontife de l’Eglise Catholique. Il est le 264eme Pape de l’histoire de l’Eglise. Le 2 avril 2005, il rend l’âme à sa résidence au Vatican (Rome) et la messe des obsèques est célébrée le 8 avril 2005 avec la présence de nombreux dignitaires confessionnels et politiques du monde entier et de toute obédience confondue. Lors de cette messe d’obsèques, une clameur du peuple se faisait entendre réclamant qu’il soit proclamé saint immédiatement : santo subito.

Par cette voix du peuple, vox populi, il était exprimé la renommé de Sainteté de Jean Paul II. Le peuple chrétien le considérait comme un saint. Il ne restait que la voie officielle pour le déclarer comme tel. Mais pour que l’autorité ecclésiale se prononce, il y a des règles à suivre. Ces règles constituent la procédure à suivre dans les Causes de canonisation qui depuis le Moyen Age est réservée au Pape. Celui-ci se fait aider, en la matière, par la Congrégation des Causes des Saints.

La procédure se déroule en deux phases très importantes : 1) la phase d’enquête et de la collecte des preuves au niveau diocésain ; 2) et la phase d’étude et de jugement des preuves dans la Congrégation romaine suivi des décrets de l’héroïcité des vertus ou de martyre, de miracle opéré par intercession du Serviteur de Dieu, de béatification ou de canonisation. Le point d’arrivée du processus est la canonisation ou l’inscription du Serviteur de Dieu dans le catalogue des saints. La béatification est l’avant dernier palier pour arriver à la canonisation.

Dans le processus de canonisation de Jean Paul II, la clameur du peuple constitue une motivation. A travers cette clameur, l’autorité ecclésiastique a perçu la nécessité d’enclencher la cause de canonisation de Jean Paul II. Pour initier le processus, la norme exige d’attendre cinq ans après la mort du candidat aux honneurs de l’autel. Il s’agit d’une mesure de prudence contre les fausses réputations. Cependant la norme peut être dispensée. Et ce fut le cas avec la décision de Benoit XVI d’accorder la dispense des cinq ans pour la cause de Jean Paul II. Le 28 avril 2005, moins d’un mois de la mort de Jean Paul, l’autorisation d’engager le processus de canonisation de Jean Paul II est donné.

Dès lors le Diocèse de Rome pouvait entamer la première phase d’investigation diocésaine. En effet, le Tribunal compétent pour cette investigation est celui du lieu de la mort du Serviteur de Dieu. Le Diocèse de Rome nomma Monseigneur Slawomir Oder comme Postulateur de la cause, c’est-à-dire la personne qui représente le demandeur et qui doit fournir les preuves exigés. Le 18 mai 2005, le Tribunal diocésain du Vicariat de Rome demande aux fidèles de fournir les informations utiles pour cette cause. Il s’agit des témoignages favorables ou défavorables pour s’assurer de la renommé du Serviteur de Dieu, de l’importance ecclésiale de la cause et des probables obstacles pour la suite de la cause. Si rien ne s’y oppose, le procès peut véritablement commencer.

Le 28 juin 2005, l’ouverture du procès fut célébrée. Cette étape suppose que parmi les informations obtenues rien ne s’oppose sérieusement à la poursuite de la cause et que l’examen des écrits du Serviteur de Dieu par des experts théologiens ne montre rien contre la foi et les bonnes mœurs de l’Eglise. Avec l’ouverture du procès, la collecte des preuves prend une tournure judiciaire. Les témoignages sont recueillis par un Tribunal formé par un Délégué épiscopal, un Promoteur de justice, un Notaire et des Auxiliaires du Tribunal. Dans les causes de canonisation, il est exigé de recueillir aussi les témoignages défavorables à la cause et selon les normes processuelles. En plus des témoignages, tous les documents publiés ou inédits du Serviteur de Dieu ainsi que des documents sur le Serviteur de Dieu ou qui brossent son environnement politique, social et culturel doivent être rassemblés par une commission des experts en histoire et archives. L’ensemble des preuves est remis à la Congrégation des Causes des Saints en vue d’être étudiées et servir de jugement.

Le 19 décembre 2009, l’étude et le jugement des preuves au sein de la Congrégation aboutirent à un Décret du Romain Pontife, Benoit XVI, attestant l’héroïcité des vertus de Jean Paul II. Avec ce Décret, Jean Paul II recevait le titre de Vénérable. A ce stade, aucun culte n’est autorisé pour lui. L’héroïcité des vertus situe Jean Paul II parmi le groupe des « confesseurs ». Il n’est pas un « martyr ». Sa vie et ses écrits constituent désormais un modèle de sainteté chrétienne. Par ce décret, l’Eglise reconnaît officiellement que Jean Paul II a pratiqué les vertus théologales (foi, espérance et charité) et morales (prudence, justice, force et tempérance) de manière extraordinaire, spontanée, joyeuse, au-delà de ce que font les hommes habituellement. En d’autres mots, le décret immortalise son œuvre, sa biographie : un missionnaire, un artisan de paix, un ami des jeunes, un homme de prière, ouvert au dialogue religieux, etc.

Mais pour arriver à la béatification, il fallait une confirmation divine à travers un miracle opéré grâce à son intercession. Dans le cas des martyrs, le miracle peut être dispensé. Le 14 janvier 2011, le Pape Benoît XVI rendait public la reconnaissance de ce miracle en annonçant la date de la béatification le 1er mai 2011. Le miracle approuvé est celui de la Sœur Marie Simon-Pierre (France) qui souffrait de la maladie de Parkinson. D’autres signes ou grâces ont été rapportés de part le monde. Avec la béatification, Jean Paul II sera honoré par le titre de Bienheureux. Techniquement, le bienheureux n’est pas encore un saint. On devient saint avec la canonisation. La différence n’est pas facile à percevoir. En effet, le Bienheureux ne bénéficie pas encore d’auréole dans ses images et le culte qui lui est rendu est local. La cérémonie de béatification n’est pas réservée au Pape alors que la canonisation est un acte exclusivement réservé au Pape à travers lequel il est engagé le magistère infaillible du Successeur de Pierre. Pour être canonisé, un miracle opéré après la béatification est nécessaire.

L’existence des saints dans l’Eglise est un signe de la vitalité de l’Eglise. La dimension juridique d’un procès de canonisation révèle et renvoie à des considérations théologiques, ascétiques, missionnaires, liturgiques très importantes. Dans le cas de la figure de Jean Paul II, sa béatification est un hymne universel de louange à la Sainteté de Dieu qui se manifeste parmi les hommes.

Pierre Kaziri
Docteur en Droit Canon

Pour d’amples informations et l’approfondissement des preuves dans les causes de canonisation, voir la thèse doctoral de l’auteur de cet article : « Las pruebas de las virtudes heroicas y del martirio en las causas de canonización », Salamanca 2009.

jeudi 24 mars 2011

LE JARDINIER ET LE CANONISTE

Un jour, un canoniste s’est retrouvé dans un parc très fréquenté et très bien entretenu par un jardinier. Celui-ci arrosait religieusement les fleurs qu’il avait choisies pour la saison. Le canoniste s’approcha au jardinier et lui posa cette pertinente question : pourquoi avez-vous choisi cette couleur jaune ? N’y avait-il pas d’autres sortes de fleurs ? Je ne vois pas les lis et les marguerites, par exemple.

Avant de répondre, le jardinier se mit à rire de façon ininterrompue : hahahaha… Vous les profanes, vous m’étonnez beaucoup. Pourquoi recherchez-vous vos fleurs ? Regardez l’ensemble. N’est-ce pas que c’est beau, magnifique ! Mon métier est absolument celui de créer et de plaire. Si vous appréciez l’ensemble, je crois que les lis vous le retrouverez dans d’autres jardins et vous serez pareillement content. Savez-vous une chose ? Le grand jardinier est le Créateur du monde. Regardez la nature. Tout est beau, sublime. Mais nous les jardiniers, avec nos ciseaux et nos choix de couleurs, nous rendons encore plus beau la nature. Pardon ! Quel est votre métier ?

Sans hésiter, l’interlocuteur répondit : je suis canoniste.

Quoi ? Répliqua l’autre.

Oui, je suis canoniste. C’est-à-dire quelqu’un qui étudie et explique les lois de l’Eglise. Et ces lois sont contenues fondamentalement dans un livre qu’on appelle « Droit Canon ».

Le jardinier s’adressa encore au canoniste : êtes-vous un jardinier de la loi ? Je m’explique, -enchaîna-t-il- : vous aussi, vous choisissez des lois et avez-vous des ciseaux pour tailler les idées extravagantes ?

Non, -répondit le canoniste-, les « Extravagantes » c’est un recueil contenant les décisions des papes depuis Urbain IV jusqu’à Sixte IV (1261-1484) et qui fait partie du Corpus Iuris Canonici. Mais je comprends bien ton idée. Dans l’Eglise, il existe de nombreux penseurs ou théologiens avec des orientations diverses qui se résument en théologies spéculative, d’action, politique, de libération, de renouveau, etc. Et pour ne pas se perdre dans la forêt des idées, le Droit Canon dégage une ligne, une route, une discipline à suivre. Disons que le canon c’est la règle, le ciseau, si tu veux, qui taille les excédents de la Théologie.

A cette image évidemment imparfaite, j’ajouterais que votre appréciation du jardin, le beau que vous recherchez, est sans doute subjectif, passager. Le canoniste, et avant lui le législateur qui donne la norme, interprète objectivement la volonté de Dieu et le bien de l’institution qu’est l’Eglise. Si la beauté du jardin est liée à la vie d’une fleur, la solidité du Droit Canon dépasse le législateur et le canoniste qui institue et interprète la loi. La loi est durable et crée des comportements, une façon d’être. Par contre, un jardin de fleurs n’a pas d’autres buts que de plaire et cela pendant le temps que dure l’émotion.

Est-ce que nous nous comprenons ? Demanda le canoniste. Le jardinier répondit : je ne sais pas. Il me semble que votre métier est compliqué. Peut-être la prochaine fois, j’ose espérer avoir un peu plus de lumière.

A bientôt !