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NOHELI NZIZA N'UMWAKA MUSHA MUHIRE

lundi 22 mars 2010

LA NÉCESSITÉ DU DROIT CANONIQUE

Parler du Droit canonique peut faire rire encore quelques personnes dans notre monde postmoderne. Certains peuvent même penser qu’il s'agit d'une perte de temps pour des nostalgiques romantiques qui penseraient que l’Église jouit encore de son influence comme au Moyen Age.

Pas mal de nos contemporains, même au sein de l’Église, pensent que le Droit canonique n’a pas de raison d’être. Ici le Droit canonique est compris comme toute norme positive émanant des autorités ecclésiastiques. Le Code de Droit canonique en constituerait une partie, peut être la plus visible et fondamentale. Et ce qui est rejeté dans cette considération, c’est le caractère contraignant de la norme et les sanctions qui s’appliquent à celui qui viole la loi. Penser, par exemple, aux excommunications qui existent dans l’Église (pour les hérétiques, les avortements, la violation du secret confessionnel, etc.) ; à l’interdiction de divorce ; au refus des funérailles pour certaines personnes qui n’ont pas vécu selon la norme ; le refus d’un tel ou tel autre sacrement à celui qui ne remplit pas les exigences de l’Église ; etc. Le Droit canonique apparaît donc comme un instrument de répression ou de diriger les esprits. Or, dans l’Église, dit-on, c’est la Parole et l’Esprit qui doivent inspirer les comportements des croyants ; les autorités ecclésiastiques n’ont que le rôle de servir de modèle.

Dans cette perspective, le Droit canonique devient un superflu. Pourquoi l’Église interviendrait-elle dans les relations d’une personne avec Dieu, avec son mari ou sa femme, son fiancé ou sa fiancée, avec la société ? La foi est privée. Le croyant n’a pas de compte à rendre. Chacun peut croire comme il l’entend. Ainsi de la contestation, on passe à la désobéissance du Droit canonique. L’effort que l’Église fournit pour s’adapter aux changements du monde reste incompris et, par le coup, ses reformes paraissent insuffisantes. On veut plus et plus. Selon Mgr EYT, le phénomène évolue de la revendication à la sécession en passant par la contestation et la rébellion (Cf. "L’antijuridisme et sa portée dans vie récente de l’Église", Année Canonique 27, 1983, 17-14).

Si alors certains de nos contemporains vivent ou se reconnaissent dans l’une ou autre étape de refus du Droit ecclésial, proposer une réflexion sur ce Droit suppose la découverte ou la redécouverte de son bien fondé, de sa nécessité et finalité. Personne ne peut exiger que l’on saisisse d’un coup l’importance ou l’utilité de cette entreprise. Non plus, personne ne peut exiger la maîtrise par tous des termes du débat. La connaissance de Droit canonique doit être entreprise dans l’humilité ayant comme principe pratique que plus on apprend, on se découvre ignorant. Ce que nous pouvons connaître du Droit canonique est largement inférieur de que la science canonique renferme. Notre connaissance du Droit canonique ne peut qu’être progressive par rapport à l’infinie sagesse de cette science. Plus nous aurons un bagage lourd dans cette science, plus nous pourrons entrevoir les corrections ou améliorations à apporter dans le sens de rendre performant et actuel le Droit de l’Église.

Comme motivations pour entreprendre le voyage vers la connaissance du Droit canonique, quelques exemples nous montrent la nécessité de ce Droit. En d’autres termes, nous ne perdons pas le temps en s’efforçant à le comprendre. Ça vaut la peine et surtout pour les fidèles chrétiens. Voici quelques exemples de nos jours pour s’intéresser au Droit canonique:

1. Dans les médias du monde, on parle des abus des ecclésiastiques, concrètement les prêtres, envers les mineurs. Le problème a été soulevé aux États Unis, en Autriche, en Australie, au Portugal, en France, en Allemagne et dernièrement en Irlande. L’Europe occidental est particulièrement touché. Mais d’autres régions du monde ne sont pas à l’abri. La pédophile est aujourd’hui un problème plus juridique que morale ou spirituelle. Le monde réclame des enquêtes, des sanctions, des réparations. Qui sanctionnera ? Comment le fera-t-il ? Le monde moderne ne peut pas renoncer à la présomption d’innocence. Et la condamnation ne peut que toucher le coupable. Si l’Église est sollicité pour punir les délinquants, il lui faut une juridiction, un Droit pour statuer et juger équitablement, selon la justice. Des tribunaux, des juges et des lois seront nécessaires pour traiter ces cas. Le cri pour réclamer la justice contre les pédophiles est un cri pour la nécessité du Droit pénal dans l’Église. Et si le Droit pénal peut exister dans l’Église, il faudra qu’il y ait aussi le droit constitutionnel pour le légitimer, le droit administratif, le droit sacramentaire, la procédure judiciaire, les normes générales, etc.

2. L’Église est une Institution. Elle possède des biens. Elle a un Siège au Vatican. Elle est reconnue par des Institutions internationales avec des représentants devant ces Institutions (ONU, UNESCO, etc.). Dans son sein, elle a besoin d’une organisation. Quelqu’un doit la représenter, définir et veiller à l’orthodoxie de la doctrine comme conforme à l’Évangile. Tout cela ne peut pas se faire sans un minimum d’ordre, de contrôle, de droit. Il faut que les limites d’actions, de compétence soient définies entre les acteurs qui interviennent dans la marche de l’Institution. Quelqu’un devra interpréter les lois pour leur meilleur compréhension et application. Des spécialistes de cette science vont naître. La faculté de Droit canonique sera mise en place et des questions théoriques et pratiques devront être résolues. Le Droit canonique devient consubstantiel à l’Institution de l’Église.

3. La justice au sein de l’Église. Celle-ci rassemble les saints et les pécheurs (Concile Vatican II, Constitution dogmatique Lumen gentium, n. 8). Des conflits peuvent apparaître entre les membres eux-mêmes ou entre les membres des autres confessions et l’Église. Il ne s’agit nécessairement pas des conflits qui exigeraient des sanctions comme pour appliquer le droit pénal. Il s’agit des conflits qui proviendraient d’une mauvaise interprétation d’une tel ou tel autre coutume ou manière de procéder, du rôle de chacun dans l’Église. Quelqu’un pourrait se présenter pour dire qu'il veut célébrer une messe, baptiser, communier, participer à telle ou telle réunion des chrétiens ou des évêques, etc. Mais quel est son droit ? En est-il membre ? Qui l’a délégué ? Au nom de qui peut-il enseigner? Qui l’a donné l’autorisation ? Oui, les fidèles apportent beaucoup à l’Église. Ils ont des droits mais aussi des obligations. Cela doit être aussi défini quelque part. Si tous les droits ou devoirs ne peuvent pas être rapportés dans un Code quelconque, au moins les plus fondamentaux doivent y figurer. Il est de justice que le chrétien qui reçoit un service puisse le recevoir d’une personne compétente, habilité. Il faut qu’il sache clairement sa part aussi dans l’édification de l’Église. Il faut que le fidèle chrétien sache que ses droits sont protégés et qu’il peut faire recours, dénoncer aux supérieurs les usurpateurs des fonctions de l’Église, de ses services. Le Droit canonique ou Droit ecclésial tout en étant une émanation du Droit divin, naturel et positif, il est aussi l’incarnation des droits et obligations de fidèles de vivre selon la nature de l’Église.

La nécessité du Droit canonique s’enracine, donc, dans le fait que les normes agissent dans la conscience des fidèles et ses relations sociales pour configurer l’Église ou le monde que nous voulons construire. Selon le professeur Luis Vela Sánchez, sans le Droit, le monde peut se déformer et devenir inintelligible ("Ley ecclesiástica", in: Diccionairo de Derecho Canónico , Madrid 1989, 355-358). Par le Droit, le monde a un sens et une orientation claire. Il suffirait de s’imaginer une route où les conducteurs font ce qu’ils veulent pour comprendre la pertinence de la nécessité du Droit, ecclésial ou civil. Sans le Code routier, la circulation devient chaotique. Dans l’Église aussi, si les droits et les devoirs ne sont pas défini, si on ne sait pas qui fait quoi, quand et comment, l’anarchie, le chaos peut s’installer et l’Église deviendrait méconnaissable. Autre chose est de se demander si le Droit canonique est parfait ou perfectible. Naturellement que le Droit canonique n’est pas parfait et il est perfectible. Des améliorations sont toujours possibles. Mais pour dire que telle loi est imparfaite, on ne part pas de l’incommodité que chacun éprouve dans sa mise en application. L’imperfection de la loi et la possibilité de son amélioration ou perfectibilité doit être confronté à son esprit, but et bien commun pour lequel elle existe. Une connaissance approfondie est donc un préalable à la critique solide et constructive du Droit canonique. On ne réforme pas la grammaire de l’extérieur mais du dedans. Notre blog, par conséquent, voudrait s’ouvrir à la connaissance du Droit canonique pour vivre selon la nature de l’Église. Et s’il faut apporter des réformes, les reformuler en connaissance de cause.

Dr Pierre KAZIRI

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