Au regard des espaces
médiatiques consacrés à l’événement, on peut se demander si la décision du Pape
Benoît XVI de rendre son tablier est de l’ordre du normal.
D’après les statistiques
et par l’histoire, le fait est rare et disons mieux exceptionnel. Le Pape
Benoît XVI depuis le 19 avril 2005 vient de surprendre l’Eglise catholique en
déclinant de continuer l’exercice du ministère pétrinien.
Et pourtant, cette
décision est pleinement conforme au Code de droit canonique qui régit l’Eglise
catholique. Dans son canon 332, paragraphe 2, le Code prescrit : « S’il arrive que le Pontife Romain renonce à
sa charge, il est requis pour la validité que la renonciation soit faite
librement et qu’elle soit dûment manifestée ; mais non pas qu’elle soit
acceptée par qui que ce soit ».
Trois conditions
entourent la validité de démission d’un Pape : 1) une démission libre ;
2) dûment manifestée ; 3) et non acceptée par qui que ce soit.
La première condition concerne la validité de tout acte juridique dans l’Eglise.
En effet, tout acte posé sous l’influence d’une force extrinsèque, à laquelle
son auteur n’a pu aucunement résister, est réputé nul (canon 125 du Code). De
même que l’acte d’assumer la charge du Successeur de saint Pierre est un acte éminemment
juridique, la démission également doit se faire conformément à la loi et dans
des conditions juridiquement incontestables. Cette condition de liberté de la
personne touche la substance des actes humains comme préalable de tout acte
juridique.
En plus de la liberté, la
loi exige que la renonciation soit dûment manifestée. Si la première condition
relève presque de la loi naturelle, la deuxième condition est de droit positif
ecclésiastique. Le droit est aussi une question de formalité et de solennité.
La manifestation de la démission peut être écrite ou orale (gestuelle aussi?) pour qu’il y ait
preuve de l’acte en question. Dans notre cas, la lecture de la « Declaratio » annonçant la démission
répond effectivement à cette deuxième condition.
Enfin, la démission ne
doit pas être acceptée par qui que ce soit au sein de l’Eglise comme en dehors
de l’Eglise. Ce « qui que ce soit » ne doit être ni une personne
physique ni une personne morale comme pourrait être un concile œcuménique. En
effet, accepter la démission de quelqu’un est une marque de supériorité et dans
l’Eglise personne n’est au dessus du Souverain Pontife sauf le Christ et sa
parole.
En regardant la
Déclaration de la démission de Benoît XVI, on se rend compte que toutes ces
conditions ont été remplies scrupuleusement. Après avoir analysé sa situation,
surtout son état de santé, il affirme : « bien conscient de la gravité de cet acte, en pleine liberté, je déclare
renoncer au ministère d’Évêque de Rome, Successeur de saint Pierre ».
A deux reprises, avant cette décision, mais avec des nuances non négligeables, il
reconnait : « je suis parvenu à
la certitude que mes forces, en raison de l’avancement de mon âge, ne sont plus
aptes à exercer adéquatement le ministère pétrinien. » ; « pour gouverner la barque de saint Pierre et
annoncer l’Évangile, la vigueur du corps et de l’esprit est aussi nécessaire,
vigueur qui, ces derniers mois, s’est amoindrie en moi d’une telle manière que
je dois reconnaître mon incapacité à bien administrer le ministère qui m’a été
confié. »
La démission du Pape
actuel non seulement est un acte historique mais aussi un acte très courageux et dont
des générations futures tenteront de comprendre la profondeur, la largeur, la
hauteur et la portée. L’Eglise devrait continuer à prier pour son pasteur même
après sa retraite effective.